Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/340

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temps sont durs, et un tel système n’est plus soutenable ; cherchons, si vous voulez bien, des accommodements : les uns partiront pour trois ans, et les autres pour un an ; on tirera au sort, rien de plus juste ; oui, mais au bout d’un an, celui qui a tiré au sort le service de trois ans pourra dire à celui qui n’aura tiré au sort qu’un an de service : « Pour les deux ans qui me restent à faire, prends ma place, voici de l’argent ! » — Le tour est habile, c’est le remplacement qui reparaît.

Voilà donc les hommes qui nous reprochent, à nous républicains, d’abaisser l’armée, de ne pas comprendre la grandeur du régiment ! Ils veulent que le service militaire devienne pour le riche une corvée qu’un peu d’or abrège ; pour le pauvre, un métier à gagner quelques sous. Au régiment, tel que nous le comprenons et nous le voulons, il n’y a qu’une hiérarchie : celle du mérite ; qu’une souveraineté : celle de la loi, où se résume la patrie. Eux, ils veulent prolonger jusque dans l’armée tous les privilèges de la fortune, toutes les inégalités de la vie sociale ; ils veulent que quelques hommes puissent quitter les drapeaux, non à l’heure sévère marquée par le droit commun, mais à l’heure complaisante marquée par la richesse, et que quelques hommes restent sous les drapeaux, non comme les serviteurs nobles et fiers du pays, mais comme les suppléants salariés d’un autre homme. Ils espèrent, sans doute, que l’espoir d’une petite somme assez tôt gagnée