Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/382

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n’abaissait pas le sien, et la fierté républicaine ne s’humiliait pas devant la loyauté monarchique. L’Europe a compris que la Russie accueillait la France tout entière, et que les deux nations, s’acceptant ainsi pleinement l’une l’autre, constituaient tout à coup une force incomparable.

Cette manifestation de Cronstadt aura des effets décisifs pour nous à l’intérieur et à l’extérieur. À l’intérieur, quel prétexte reste-t-il aux conservateurs de bonne foi pour refuser leur adhésion définitive à la France républicaine ? Ils reprochaient à la République, par préjugé ou par calcul, d’avoir isolé ou abaissé la France. Qu’ils comparent maintenant l’état où la dernière des monarchies françaises, l’Empire, a laissé la France, et la situation morale que vingt années de liberté républicaine et de sagesse patriotique ont donnée à notre pays dans le monde ; qu’ils relisent leurs diatribes d’hier, et qu’ils se disent dans leur conscience de quel côté étaient la vérité et le clairvoyant amour de la patrie. Après la formation timide d’une droite constitutionnelle, après l’évolution commençante du clergé, après les polémiques entre catholiques et royalistes qui dissolvent le vieux parti réactionnaire, la manifestation triomphale de Cronstadt va achever en France la déroute de l’idée monarchique. Et, par un de ces paradoxes de l’histoire qui déconcertent les formules étroites et routinières