Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/405

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les paroles, comme le lui a dit le député socialiste de Mulhouse, avaient un « fumet de dictature », on n’est pas pleinement rassuré sur le nouveau régime de l’ Alsace-Lorraine. Celle-ci, d’ailleurs, reste soumise aux lois impériales françaises en matière de réunion, d’association, de presse et de colportage : le cautionnement préalable, par exemple, est exigé pour les journaux. L’Alsace-Lorraine est, en effet, comme Bebel l’a fait remarquer dans un discours admirable, dans cette situation étrange, qu’elle cumule les lois tyranniques de l’empire français et l’administration tyrannique de l’empire allemand. Il n’est donc pas démontré que, même après l’abrogation du paragraphe de la dictature, l’Alsace-Lorraine sera respectée dans la liberté de sa vie quotidienne, dans son développement politique et social.

Pourtant cette abrogation a une haute signification morale. Elle atteste que la politique de fer et de brutalité est condamnée par les faits, qu’elle n’a pas produit les résultats qu’en attendait le militarisme prussien, et qu’un adoucissement à la condition de l’Alsace-Lorraine a paru nécessaire même au vainqueur. Il nous est bien permis aujourd’hui, à nous qui avons toujours affirmé bien haut notre internationalisme en même temps que notre patriotisme, à nous qui, malgré la violence des préjugés chauvins et la perfidie de nos accusateurs, avons toujours tendu publiquement une