Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/447

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réunis dans un jardin public, sous les yeux de la police stupéfaite, et, héroïquement, ils avaient décidé le combat ; leurs réclamations étaient si justes, l’opinion leur était si favorable que les patrons, après quelques semaines, firent savoir qu’ils allaient faire des concessions ; mais aussitôt le gouvernement du tsar intervint pour défendre aux patrons de céder : n’allaient-ils pas encourager la rébellion ouvrière ? Les patrons retirèrent leurs concessions ; les ouvriers, vaincus par la famine et par le tsar, rentrèrent dans les fabriques, et leurs délégués, au nombre d’une centaine, furent envoyés en Sibérie.

Voilà ce qu’on demande aux prolétaires parisiens d’acclamer à pleine poitrine : on leur demande de supplicier une fois de plus les prolétaires russes. Honte sur eux s’ils commettent ce crime ! Comme l’empereur Guillaume, qu’il aura embrassé la veille à Berlin, connue nos gouvernants réactionnaires, le tsar Nicolas est aujourd’hui l’un des gardiens de l’ordre capitaliste ; il est une des forces d’oppression qui pèsent sur les ouvriers de tous les pays. Que Leygues et Trarieux et Rességuier lui fassent cortège et l’acclament : les ouvriers assisteront en silence à toutes ces parades de réaction ; ils attendront patiemment, sans vaine protestation et sans adhésion servile, que les hourrahs inconscients soient tombés, que les derniers feux d’artifice soient éteints ; et ils garderont leur dignité