Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/51

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perdre aux mains du propriétaire oisif, ou dans les dissipations du luxe ou dans d’autres placements financiers. Aussi, quand la crise agricole est survenue, quand la concurrence étrangère s’est développée, lorsque la chute de toutes les valeurs en 1882 a entraîné la baisse générale des prix, la classe moyenne des fermiers a été écrasée sous des baux excessifs. Un capitalisme absorbant ne lui avait pas laissé les réserves nécessaires, qui auraient permis de perfectionner l’outillage, d’améliorer le sol et le bétail, de multiplier les engrais et de lutter. Ils se sont aperçus alors qu’au fond de l’apparente prospérité qui avait duré de 1860 à 1880, il n’y avait, à la première épreuve, que le néant et la ruine. Aussi la classe moyenne des producteurs ruraux songe-t-elle aujourd’hui à chercher des garanties pour le travail rural.

Autre exemple, qui montre l’universalité du mal. Jusqu’ici les vignerons de la Champagne vendaient leur vendange au prix de l’année, selon l’abondance et la qualité de la récolte. Il y a deux ans, les fabricants de vin de Champagne se sont formés en syndicat et ils ont offert aux vignerons un prix unique très inférieur. Les vignerons, n’ayant ni capitaux, ni marques connues, ont dû s’incliner devant la coalition capitaliste : ils ont été étranglés comme le petit commerce.

J’entends ne rien exagérer : il y a encore beaucoup d’industries, comme la bijouterie, la tannerie, qui