Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/541

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effroyable crise. Mais pourquoi l’Angleterre s’obstine-t-elle à armer, pourquoi fait-elle un étalage presque provocant de sa force navale au moment même où la diplomatie française cherche si honnêtement et si visiblement une solution pacifique ?

Voici qu’aujourd’hui même des rumeurs singulières, auxquelles les journaux nationalistes prêtent un complaisant écho, nous mettent en éveil : on commence à dire que la Turquie se prépare à intervenir, qu’elle entend réclamer l’Égypte comme son domaine, et protester contre la présence des Anglais à Khartoum. Nous ne savons encore ce qu’il y a de sérieux dans ces bruits. Il se peut que le Sultan, tout pénétré de la grandeur de l’idée musulmane, grisé par sa victoire en Grèce et par les sympathies de l’empereur allemand, songe en effet à profiter de l’incident de Fashoda et de la controverse franco-anglaise pour affirmer ses droits de suzeraineté sur l’Égypte. — Mais, en tout cas, il serait déplorable que l’on pût soupçonner, derrière cette intervention du Sultan, l’action secrète de la France. D’abord, ce serait donner une acuité extrême au conflit qu’il faut régler. Il serait indigne de la France, au moment où elle renoncerait ostensiblement à Fashoda, de chercher une revanche détournée par l’intervention d’ Abd-ul-Hamid ; il serait indigne de la France de devenir l’instrument du Sultan rouge : car celui-ci ne se risquerait à une démarche aussi témé-