Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/93

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là de puissants spectacles et le jeune paysan y assiste avec un mélange de crainte et de joie.

Lorsque la pluie tombe enfin sur le maïs altéré et fait un bruit joyeux dans les feuilles, la paysanne dit : « Le maïs rit. » Lorsque les fèves encore jeunes viennent bien, sous un soleil doux, dans la terre bien travaillée et gonflée de suc, la paysanne, réjouie, dit : « Les fèves tètent. »

Les paysans s’ennuient dans les lieux clos et bas. Évidemment, ils se nourrissent, à leur insu même, des grands horizons. Un soir, je causais avec un laboureur au sommet d’un coteau qui dominait une grande étendue de pays. L’air était transparent et calme ; nous regardions la montagne lointaine d’un bleu sombre qui fermait l’horizon. Il nous sembla entendre un murmure très vague qui arrivait vers nous : c’était le vent du soir qui se levait au loin sur la montagne, et, dans la tranquillité merveilleuse de l’espace, le premier frisson des forêts invisibles venait vers nous. Le paysan écoutait, visiblement heureux ; il me dit en son patois : « Lou tèns ès aousenc. » L’expression est intraduisible dans notre langue ; il faudrait dire : le temps est entendif. Le mot exprime cet état de l’air qui est pour le son ce que l’absolue transparence est pour la lumière. Mais de pareils mots n’indiquent-ils pas, mieux