Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/106

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pratiquement annulée. Son action dans la forme nouvelle, dans le mouvement nouveau, ne dépendrait donc pas d’elle-même, mais de je ne sais quelle puissance extérieure, et arbitraire. Une forme donnée de mouvement s’assimile une certaine quantité d’être ; et lorsqu’elle agit et se combine selon cette quantité, elle agit encore selon elle-même. Par son rapport à la quantité, la forme du mouvement a une valeur propre : elle est vraiment intérieure à elle-même, car la quantité d’être que le mouvement représente ne fait qu’un avec lui. Si les rapports des formes entre elles n’étaient point réglés par la quantité d’être qu’elles ont assimilée, c’est l’arbitraire qui les réglerait. Or, qu’est-ce que l’arbitraire ? C’est une force qui agit du dehors sur un être ou une forme, sans avoir égard à l’essence de cet être ou de cette forme ; c’est donc une quantité tout extérieure, et par rapport à cet être ou à cette forme, absolument indéterminée. Si donc la forme ne s’incorporait pas une quantité donnée d’être, elle s’évanouirait dans l’indétermination absolue : elle ne serait plus une forme. Or, nous avons vu que la quantité de mouvement que toute forme de mouvement enveloppe s’exprimait, en dernière analyse, par un déplacement défini de portions définies d’espace, c’est-à-dire par des relations d’espace. Ainsi l’espace, symbole de la quantité et de la puissance de l’être, est, non pas le champ extérieur, mais la condition interne de toute action, de tout mouvement ; et s’il est extérieur à lui-même, s’il est en soi indéterminé et fuyant, c’est afin d’être intérieur à tous les mouvements, tout en leur servant de commune mesure.

Mais précisément parce que la quantité dans le mouvement n’existe qu’en vue de la forme, il serait puéril de s’en tenir à la considération de la quantité. Au reste,