Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/128

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science pourra expliquer l’évolution apparente et le développement chronologique de l’univers.

Quand bien même il y aurait une forme de mouvement primordiale et antérieure à toutes les autres ; quand bien même, par exemple, la chaleur aurait précédé la lumière et le son, la lumière et le son n’en resteraient pas moins distincts de la chaleur. Le mouvement, après avoir pris la forme de la chaleur, aurait pris la forme de la lumière et du son par une évolution mathématique qui eût été une révolution métaphysique. Le monde, malgré les apparences, n’aurait point créé la lumière : il ne l’aurait point fabriquée avec de la chaleur obscure ; il serait entré, sous des conditions déterminées, dans la période de la lumière.

Mais j’ai hâte de dire qu’une hypothèse scientifique aussi simpliste n’est guère probable ; on peut concevoir l’histoire du monde de deux manières : ou bien, en effet, comme nous l’exposions tout à l’heure, toutes les formes de mouvement se sont développées d’une forme première ; il y a eu une filiation effective des agents physiques ; ou bien, au contraire, toutes les forces distinctes du monde, la chaleur, l’électricité, la lumière, le son, coexistent de toute éternité. Il y a certainement passage d’une forme de mouvement à l’autre en ce sens que les mêmes énergies se manifestent tantôt comme lumière, tantôt comme chaleur, tantôt comme affinité ; mais les types d’activité que traversent ces énergies flottantes sont distincts et coéternels. Cette deuxième conception semble bien plus probable que l’autre. Je sais bien que plusieurs de ces types d’activité, qui sont très distincts pour la sensation, semblent, au contraire, très voisins et presque confondus dans la réalité extérieure ; les rayons calorifiques, les rayons lumineux, les