Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/151

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quoi ces centres individuels peuvent-ils communiquer ? comment peuvent-ils vibrer ? Parce que, en eux, hors d’eux et dans tout le milieu où ils sont situés, des conditions générales et préalables d’élasticité sont réalisées. Ainsi les conditions essentielles du son et le son lui-même préexistent aussi, au moins idéalement, à la diversité des centres sonores, de même que la faculté de vibration de la corde préexiste aux nœuds de vibration. Et encore les nœuds de vibration se forment-ils selon une loi dans la corde vibrante ; tandis que dans l’atmosphère où palpitent les centres sonores ceux-ci sont distribués avec une indépendance absolue. Il n’y a aucun rapport nécessaire du son, en sa virtualité essentielle, à tous les centres de force et de mouvement qui s’émeuvent en lui. De même qu’en un sens tous les foyers lumineux, ayant l’air de produire la lumière, l’empruntent en effet, de même aussi et en un sens tous les centres vibrants, ayant l’air de produire du son, en effet se l’approprient. Le son a donc, comme la lumière, une sorte de réalité métaphysique éternelle qui a, si j’ose dire, quelque chose de solennel. Or cette réalité indépendante et éternelle des grandes fonctions de sensation, l’espace nous la traduit.

Il permet, en effet, à la lumière de s’épandre par grandes masses. Ainsi, la lumière, tout en faisant apparaître sous des nuances et des colorations distinctes les forces particulières qui se jouent dans le monde, les enveloppe d’une splendeur en quelque sorte impersonnelle qui atteste sa priorité. La prairie où reluisent les brins d’herbe et les fleurs semble, dans les jours d’été, je ne sais quelle couche plus épaisse et plus grasse de clarté déposée tout au fond d’un océan infini de lumière subtile. De même, dans les nuits baignées de lune, les