Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/157

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identique. Ce qu’il y a donc de plus dans le son ou dans la clarté plus intense, ce n’est pas une forme nouvelle, mais une nouvelle quantité d’être indéterminé en soi, quoique actuellement assujetti à une forme déterminée. Mais cette quantité d’être indéterminé, qui peut s’ajouter indéfiniment à soi sans altération de la forme, à raison même de cette indétermination, qu’est-ce, je vous prie, sinon la quantité extensive ou l’espace ? Ainsi, ce qu’on appelle la quantité intensive n’a de sens, métaphysiquement, que par la quantité extensive. Sur ce point décisif, la physique confirme la métaphysique. Qu’est-ce, pour le physicien, qu’un son plus intense qu’un autre ? C’est un son dont les vibrations, ayant même forme et même durée que celles de l’autre, ont une plus grande amplitude, c’est-à-dire s’approprient une plus grande quantité extensive d’être. De même pour la clarté.

Voilà donc que la quantité extensive devient aussi intérieure, aussi immédiate à la sensation que la quantité intensive elle-même. Aussi, pour nier de la sensation la quantité extensive, faudra-t-il nier de la sensation la quantité intensive.

C’est la tentative que M. Bergson a faite dans une thèse récente très remarquée qu’il a conduite avec une habileté merveilleuse. Elle est très claire et il est pourtant facile de ne pas la comprendre, car il y a des courants subtils de pensée qui se croisent, se mêlent et se séparent pour se rejoindre encore. Ainsi on pourrait croire, à première vue, que M. Bergson admet, dans la sensation, la quantité extensive ; car, d’abord, il démontre que l’on ne peut pas constituer l’espace, milieu homogène, avec des combinaisons de sensations présumées inétendues. Et puis, il essaie d’établir que ce que