Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/180

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vidualités, toutes les formes de l’unité rayonnante de la lumière. Elle ne nous permet ni le recueillement profond ni l’expansion joyeuse. Au contraire, il y a une lumière surabondante, en certaines heures d’été, qui noie en quelque sorte les objets. Alors la lumière semble n’exister que pour elle-même, et si elle manifeste à l’âme enivrée l’universelle identité de l’être, elle supprime par excès de jour les formes particulières qui doivent apparaître dans cette universelle identité. La lumière ne remplit pleinement son office qu’en ces jours de calme splendeur où la forme et la nuance des objets se dessinent, avec une netteté douce, dans une clarté qui n’est ni défaillante ni aveuglante. Il y a alors équilibre de la forme et de la lumière, de l’individuel et de l’universel ; c’est une de ces heures où la pensée, comme le regard, est à l’aise dans la nature, et où les profondeurs bleues sont comme pénétrées d’une vérité divine. Ainsi, selon la quantité de la lumière, sa fonction est diversement remplie : le rapport de l’individuel à l’universel qu’elle doit manifester varie, et précisément parce que la lumière est un rapport d’idées, parce qu’elle est intelligible, le rapport de ces idées changeant selon que la quantité abonde plus ou moins dans l’une d’elles, les changements de quantité entraînent nécessairement dans la lumière des changements de qualité. De même pour la couleur : la couleur étant, comme nous le verrons, un rapport particulier du clair et de l’obscur, de l’éther impondérable et de la matière pesante, il est impossible que les variations de quantité de la lumière ne se traduisent pas, dans notre sphère matérielle, par des variations de nuances. Si les sensations n’étaient que des faits bruts, la quantité pourrait s’y introduire sans en modifier en rien la qualité ; mais