Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/242

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matique des couleurs et des sons ; mais c’est l’organisme lui-même qui fait l’élaboration et le triage. Les parfums, quoique plus dégagés et plus purs, sont matériels, c’est-à-dire nécessairement mélangés, et la preuve, c’est qu’on obtient, par distillation, des essences plus concentrées. Les particules odorantes ne doivent pas être odorantes en tous leurs éléments. Il y a certainement, dans les parfums comme dans des aliments, des parties qui ne s’assimilent pas ; il y a des résidus et, si j’ose dire, des excréments de parfum.

Au contraire, le son et la lumière étant des formes distinctes et définies, il suffit que l’activité d’un organe soit susceptible d’être émue en conformité avec elles, pour que le son et la lumière soient assimilés tout entiers. Il y a certainement des limites au-dessus et au-dessous desquelles notre sensibilité bornée ne perçoit plus la lumière et le son. La lumière trop vive nous éblouit, et, trop faible, nous échappe. Trop aigu, le son n’est plus qu’une souffrance ; trop faible, il n’existe plus pour nous ; trop violent, il étourdit la conscience et la supprime. Mais il ne s’agit pas ici d’une question d’intensité. Nous disons seulement que, dans les limites où les organes de la vue et de l’ouïe sont adaptés aux mouvements de la lumière et du son, ils les perçoivent tout entiers. Nos sens ne font pas un triage dans la lumière et le son ; il n’y a pas là de résidu.

Le son et la lumière étant des formes, et ayant avec nous des relations que l’on peut dire immatérielles, sont indépendants par là même de notre organisme comme tel, de notre individualité comme telle. S’ils étaient matière, ils ne pourraient entrer en relation avec notre organisme que par un contact, et ce contact si léger soit-il nous avertirait de notre organisme propre. Mais pour