Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/256

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stables. Mais ce n’est pas pour figer et isoler tous ces centres d’actions dans une sorte de raideur immobile ; ils doivent agir et réagir les uns sur les autres et concourir à l’individualité totale, vivante et souple, de la sphère dont ils font partie. Ainsi, l’élasticité est liée métaphysiquement à ce que nous appelons la matière, et le son devient, comme l’élasticité, une forme naturelle et nécessaire de la matière. Dès que l’être devient matière, dès qu’il s’ordonne en individualités définies et flottantes, stables et mouvantes, indépendantes et liées, le son existe. Et il existe avec ce double caractère de porter en soi le frémissement intérieur des forces définies, des individualités closes, et de communiquer à un milieu plus vaste de forces et d’âmes ce frémissement. Il est lui aussi individualité et expansion, intimité et sympathie. Il n’est donc pas un accident, un hasard heureux, il est au cœur même de la matière, il ne fait qu’un avec les sphères matérielles et définies ; et il n’est point de sphère matérielle ordonnée autour d’un centre qui ne possède une sonorité essentielle. Mais aussi, dans les espaces illimités de l’éther il n’y a ni individualité, ni forme, ni centre. Le son ne peut y naître et s’y propager ; il y serait à vrai dire un contresens. L’éther indifférent et informe ne pourrait comprendre le langage des êtres et des éléments. Ceux-ci n’ont rien à lui dire ; la terre est comme nous, elle n’a de confidence que pour ceux qui peuvent sympathiser avec elle. Répandre le son dans l’éther, ce serait y répandre toutes les agitations particulières, tous les troubles des êtres éphémères, ce serait altérer sa fonction de calme et sereine universalité. Les pythagoriciens croyaient que les astres dans leur mouvement produisaient un son ; c’était se tromper sur ce mouvement même. Il n’est pas fait, ou du moins