Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/274

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modifiée dans son rapport avec les objets concrets. Il est vrai qu’autour du soleil ardent, dans les jours d’été, il y a comme une zone de lumière pâle, et que le soleil lui-même, quand le ciel est bien pur, est plutôt d’argent que d’or ; mais il y a loin de cet aspect de la lumière à la blancheur proprement dite ; et, d’ailleurs, ce n’est pas la pure lumière du soleil que nous voyons : elle nous arrive à travers une couche d’air et les vapeurs de l’atmosphère. Les voyageurs et les peintres ont remarqué qu’en Orient, à mesure que le soleil montant au ciel raccourcissait les ombres, le paysage devenait moins éclatant : l’excès même de la lumière qu’aucune ombre ne faisait valoir par contraste l’assombrissait ; c’est dire que ni les sensations de blancheur, ni même celles d’éclat ne sont l’équivalent de la pure sensation de lumière ; elle ne serait point, pour notre œil, hors de notre sphère, ce qu’elle est ici, et il ne faut point se la figurer dans l’éther monotone et facile comme dans notre monde accidenté et résistant où elle est réfléchie par des corps solides, coupée et mélangée d’ombres et où elle fait un effort incessant à travers des milieux épais. Si quelque chose ici lui ressemble, c’est bien plutôt le jour répandu dans l’espace et dont on ne saurait dire s’il est une sensation proprement dite ou la transparence manifestée. Dire que la lumière est blanche, c’est donc une première confusion qui attribue à la lumière, hors de notre sphère, une apparence qu’elle n’a qu’ici : la lumière est par là rendue plus grossière et moins idéale ; elle est davantage un fait et moins une fonction ; or, tandis qu’étant une fonction elle serait simple, étant un fait, elle devient décomposable. Et le prisme, en effet, la décompose ; l’expérience est certaine, mais que prouve-t-elle ? La lumière une et non colorée, réfractée