Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/278

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que, quand un rayon de lumière est dirigé vers lui, au lieu de revenir vers nous sous sa forme propre, comme quand un miroir le réfléchit, il fait retour vers notre œil, modifié : il correspond à une longueur d’onde déterminée, et il éveille en nous une sensation déterminée de couleur ; mais la transformation qu’a subie le rayon lumineux au contact de l’objet, qui en connaît le secret ? Tout se passe comme si un rayon lumineux multiple et formé des sept couleurs avait été en partie détruit, en partie conservé ; mais nous n’en savons pas davantage, et nous ne pouvons nous fonder sur une représentation purement arbitraire du fait pour nier la simplicité de la lumière ; car il se peut qu’une lumière simple, suivant les objets où elle se brise, suivant les résistances qu’elle rencontre et l’action qu’elle subit dans son conflit avec les corps durs, soit diversement transformée, dans sa vitesse et son mouvement vibratoire, dans sa longueur d’onde et dans son aspect. La longueur d’onde et la vitesse particulière de telle couleur peuvent exprimer telle rencontre particulière, telle action et réaction définie de la lumière impondérable et des corps pesants, du clair et de l’obscur ; la mécanique peut traduire dans son propre langage, qui est le mouvement, les effets métaphysiques de l’univers ; mais la pensée se détruirait elle-même si elle prenait la formule mathématique des choses pour les choses, et si elle ne cherchait le sens intérieur et profond des phénomènes. Or, n’est-il point manifeste, même pour les sens, que la couleur correspond à des relations définies de la lumière et de la matière compacte, du clair et de l’obscur ? D’abord, la pureté plus ou moins grande du milieu interposé amène des variations constantes dans les manifestations lumineuses : dans un ciel pur, le soleil est d’argent ; dans un