Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/280

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il passe lentement au rouge, puis à une sorte de marron, puis à une sorte de violet, jusqu’à ce qu’il apparaisse noir et comme déchiqueté, dépouillé à la fois de tout éclat et de la forme admirable et douce dont cet éclat l’enveloppait. Pourquoi toujours, à mesure qu’il est moins directement frappé par la lumière, cette échelle descendante du blanc au jaune, du jaune au rouge, du rouge au marron, du marron au violacé ? Pourquoi cette fixité dans la succession des teintes, si la couleur n’a point un rapport défini aux combinaisons de la lumière et de l’ombre ? Mais, au-dessus du nuage que vous regardiez tout à l’heure, voyez cet autre. Quand le soleil allait se coucher et de ses rayons rasait la plaine, le nuage trop haut restait sombre ; mais, à mesure que le soleil descend et que ses rayons, au lieu d’aller vers l’Orient dans leur course horizontale, se retirent lentement et frappent les hauteurs du ciel, le nuage à peine atteint d’abord par la clarté se nuance d’un gris roux, puis passe au marron, puis au rouge, puis se dore et s’illumine, jusqu’à ce qu’enfin sa blancheur légère semble l’élever plus haut encore dans les espaces supérieurs.

Ainsi, en regard de l’échelle descendante que nous contemplions tout à l’heure, voilà, dans le même ordre, une échelle ascendante. Il a suffi que le rayon lumineux, réfléchi vers nous par le nuage, le frappe de plus en plus obliquement ou de plus en plus directement, pour que sa couleur ait varié suivant une loi certaine.

Ce n’est pas tout. Les couleurs d’une surface varient suivant la quantité de lumière qui les frappe, et elles varient toujours dans le même ordre : le violet tend vers le bleu, puis vers le gris blanchâtre ; le bleu d’outremer passe au bleu du ciel, puis au bleu blanchâtre, et