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Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/297

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corps sont pour beaucoup dans la couleur en tant que telle. Quoi qu’il en soit, il apparaît bien qu’il y a une lumière qui est en même temps couleur, ou une couleur qui est en même temps lumière ; on dirait que la lumière, après s’être brisée et dispersée dans l’infinité des couleurs, a voulu, dans l’ordre même de la couleur, manifester son unité. Pourquoi est-ce sous la forme de vert ? C’est que le vert est la synthèse du jaune et du bleu ; or, le jaune, c’est la lumière vue à travers l’obscurité ; le bleu, c’est l’obscurité vue à travers la lumière ; le jaune et le bleu représentent donc les deux relations définies de la lumière et de l’obscur ; ils sont les types fondamentaux de toute couleur possible, et le vert qui les enveloppe, enveloppe par là même toute couleur ; ainsi, il est complet et parent de la blancheur qui est voisine de la lumière. Voilà comment la vie, qui se développe sous le soleil, est colorée en vert ; la terre renvoie au soleil sa lumière. Il semble qu’arrivés à ce point, nous tenions le nœud de tout le système des couleurs ; nous avons saisi entre elles des relations beaucoup plus précises et beaucoup plus vivantes que la pure continuité de longueurs décroissantes que la science y reconnaît ; et ce ne sera pas une des moindres gloires de Gœthe, que d’avoir compris que la pensée et les yeux avaient droit à s’occuper de la lumière aussi bien que le calcul.

Par les couleurs, la lumière fait amitié avec notre monde : la couleur est le gage d’union ; la matière pesante peut enrichir l’impondérable en manifestant d’une manière éclatante ce qui se dérobait en lui ; l’obscurité, en faisant sortir les couleurs de la lumière, lui vaut, dans notre sphère, un joyeux triomphe ; et la lumière en même temps, en s’unissant à la matière pesante dans