Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/334

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gories de l’entendement sont, par essence, applicables partout, valables partout. Les restrictions qu’elles subissent quant à leur usage dans tel ou tel être connaissant n’entament pas leur universalité essentielle. La sensibilité est humaine, l’entendement est en soi universel. Il ne résulte donc pas, comme les formes humaines de la sensibilité, de la rencontre d’un sujet réceptif et des objets qui affectent ce sujet. L’espace, étant spécial à l’homme, résulte des conditions d’existence et de dépendance où l’homme est placé par rapport aux objets. L’espace ayant une valeur purement humaine et une origine humaine subit la servitude humaine ; l’entendement, au contraire, ayant une valeur universelle, étant indépendant de nous, n’est point le serf de nos servitudes. Universalité et spontanéité sont deux termes corrélatifs. Notez ici, une fois de plus, combien nous sommes loin de la psychologie, car, au point de vue psychologique, l’entendement est soumis, pour sa manifestation et son développement, à toute sorte de conditions et de dépendances humaines. Nous sommes évidemment dans un autre ordre ; notre moi empirique et misérable s’évanouit, ou plutôt il est hors de cause : il ne s’agit point de mon entendement, mais de l’entendement.

Oui, mais comment démontrer et justifier cette universalité de l’entendement qui est le fondement de sa spontanéité ? Cette justification est nécessaire, car, d’abord, il est curieux que l’entendement, de valeur et de portée universelle, vienne ainsi se superposer à une sensibilité purement humaine et s’enfermer, en même temps, quant à son usage légitime, dans les limites de cette sensibilité. Comment pouvons-nous savoir, puisque les catégories en dehors des phénomènes soumis à l’es-