Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/346

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l’image au concept, et la valeur de celui-ci s’étend à celle-là. Accordons un moment que, pour d’autres sensibilités que la sensibilité humaine, l’image de la quantité puisse être autre que l’espace ; toujours est-il qu’elle sera une image de la quantité et qu’entre toutes ces images diverses d’une même idée, il y a des concordances et des coïncidences nécessaires. Même dans cette supposition, l’espace aurait une signification universelle ; il pourrait être traduit aisément dans toutes les langues, je veux dire dans toutes les sensibilités, car elles auraient toutes un radical commun : l’idée de quantité. Et puis, pourquoi distinguer aussi profondément, pourquoi même opposer l’une à l’autre la sensibilité et l’entendement, puisque les formes de la sensibilité sont la copie et l’illustration des catégories de l’entendement ? Quand Hegel écrit que le sensible est la métaphore de l’intelligible, il a l’air d’être bien loin de Kant, il en est tout près. Mais pressons un peu la pensée de Kant ; l’image n’est pas adéquate au concept, mais il n’y a rien dans le concept qui ne soit dans l’image. Voici un triangle particulier (une image). Quel qu’il soit, qu’il soit équilatéral, isocèle ou scalène, qu’il soit rectangle ou non, il n’y a rien dans l’idée générale du triangle qui ne soit en lui. Il contient des déterminations particulières qui ne sont pas dans le concept du triangle, mais le concept du triangle est en lui. En est-il de même de l’espace, image de la quantité, par rapport à la quantité ? La quantité a pour schème le nombre ; la quantité, comme le nombre qui en est le schème, s’applique à l’ordre de la qualité, comme à l’ordre de l’extension, la quantité peut être intensive aussi bien qu’extensive ; le rouge est plus ou moins rouge, de même qu’un espace est plus ou moins