Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/379

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prochain dans un autre système de mouvements. Qu’est-ce à dire ? C’est que le centre définitif, autour duquel la terre se meut, recule et fuit toujours ; elle a beau le poursuivre dans les profondeurs de l’espace sans bornes par un mouvement éternel, elle ne pourra jamais l’atteindre ; il se déplace et se dérobe de système en système. On a dit que la terre cherchait peut-être dans son mouvement continu le lieu de son éternel repos ; non, il n’y a pas de lieu de repos pour elle dans l’espace illimité, car il n’y a point de centre fixe auquel elle puisse se suspendre et adhérer ; mais qu’est-ce à dire ? C’est que le centre du mouvement qui l’emporte et qui emporte toute chose n’est point réel au sens où on entend d’habitude le mot réel ; il n’est pas un point mathématique, il n’est pas ici ou là dans l’espace ; c’est un centre insaisissable et idéal qui est à l’infini ou plutôt qui est l’infini même. Car si les astres peuvent ainsi tourner les uns autour des autres sans fin ni trêve, c’est parce que l’infini vivant veut que des combinaisons inépuisables de mouvements mettent en relation toutes les parties de l’être ; la terre est donc réellement en route vers l’infini ; c’est l’infini qui est son but, c’est l’infini qui l’attire. Dieu est, au vrai sens du mot, le centre de gravité de l’univers mouvant, et voilà comment l’unité totale de l’infini vivant se manifeste par l’infiniment grand, comme chaque loi, chaque fonction de cet infini se manifeste par l’infiniment petit. Ainsi, contrairement à la discussion éléatique, la quantité dans le monde ne fait pas obstacle à l’acte ; dans l’être absolu, l’infinité de l’acte et l’infinité de la puissance se pénètrent, et le monde est, dès lors, sans contradiction, indétermination et détermination, puissance et acte, étendue et mouvement, quantité et forme. En rap-