Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/395

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si les subjectivistes absorbent tout dans le moi, sans dire exactement s’il s’agit du moi tout court ou de notre moi, toujours est-il que, dans ce moi, ils distinguent des degrés et des zones. Il y a la zone qui correspond à l’univers et celle qui correspond à Dieu. Mais j’imagine qu’entre le moi organique et individuel et le moi créateur et régulateur qui suscite et ordonne l’infini des choses, ils mettent bien quelque différence de valeur. Ils ont donc un type de la réalité qui n’est pas emprunté au moi tout entier, puisque c’est avec ce type de réalité et de perfection qu’ils mesurent la valeur, la perfection relative des différentes formes du moi. Ils diront, par exemple, que le moi individuel et périssable ne prend une valeur absolue que s’il se confond, soit dans la pensée, soit dans l’action, au moi absolu et éternel, qui, étant principe d’unité, est par là même principe de bonté et de vérité. Il y a donc, dans le moi, une partie qui est idéale et divine, et une autre qui ne devient idéale et divine que par sa conformité avec la première. Or, nous n’avons pas à agir sur ce qu’il y a en nous de divin, d’absolu et de parfait, mais bien sur la partie la plus individuelle et la plus imparfaite de notre être, sur nos passions, nos sentiments, nos imaginations, nos pensées déterminées, pour les organiser selon le divin et le parfait. Donc, le centre de notre action, c’est-à-dire, au fond, de notre être, est dans cette région du moi des idéalistes qui correspond au moi individuel. Ainsi, le moi absolu, parfait, éternel et divin, nous est extérieur et supérieur, en même temps qu’il nous est intérieur. Dès lors, pourquoi confondre dans la banalité équivoque du même mot, le moi, notre petite personne et l’infini divin qui, en la pénétrant, la déborde ? C’est, quoi qu’on fasse, passer le niveau sur