Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/71

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et des sensations. Or, le mouvement n’est jamais perçu que par et dans la sensation. Mes yeux ne voient pas le mouvement, mais la lumière eu mouvement ; mon oreille n’entend pas le mouvement, mais le son en mouvement ; ma main ne palpe pas le mouvement, mais la résistance en mouvement. Mais, d’autre part, les sens eux-mêmes démêlent dans la lumière en mouvement ce qui est lumière et ce qui est mouvement, car ils perçoivent très bien une couleur, qu’elle se déplace ou qu’elle soit immobile. Donc le mouvement ne peut être perçu indépendamment des sensations, et il apparaît pourtant aux sens eux-mêmes comme distinct de la sensation. Il en est distinct et inséparable. Qu’est-ce à dire ? C’est qu’il est intimement lié à la réalité qu’exprime la sensation, et qu’il traduit cependant cette réalité par un aspect un peu différent de la sensation elle-même : il exprime ce qui se mêle d’identique aux espèces différentes de sensations, ce par quoi elles ont une commune mesure, je veux dire la quantité homogène. Aussi l’effort suprême de la science, après avoir ramené tous les phénomènes naturels au mouvement, est-il de ramener le mouvement lui-même à la quantité. Le mouvement est exprimé par des lignes, et ces lignes sont exprimées par les relations définies de grandeur qui unissent leurs éléments : par exemple, les courbes sont définies par leurs abscisses ; c’est ainsi que la mécanique va se perdre dans la géométrie, et la géométrie dans l’algèbre. Mais le mouvement, quoiqu’il enveloppe la quantité et qu’il puisse être réduit à la quantité par le calcul, n’en a pas moins une forme définie. Par cette forme définie, chaque espèce de mouvements joue un rôle défini dans le système universel ; chaque espèce de mouvements est donc une essence, et, pour que cette essence définie