Page:Jaurès - De la realite du monde sensible, 1902.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

idée ou un système d’idées. La question qui se pose à nous maintenant est donc celle-ci :

L’idée du mouvement est-elle assez riche pour enfermer toutes les espèces, toutes les essences qui correspondent aux différents ordres de sensation ?

Le mouvement a rapport à l’étendue ; il est un changement de relations entre différentes déterminations de l’étendue ; l’idée du mouvement enveloppant l’idée d’étendue, analyser celle-ci sera analyser au moins partiellement celle-là. L’idée d’étendue a rapport à l’idée d’être ; mais ici il faut s’entendre. Dans tout être fini il faut distinguer la puissance et l’acte ; je n’agis que parce que j’ai la puissance d’agir. Je ne puis exprimer en ce moment-ci ces idées que parce qu’elles existent en puissance dans mes souvenirs, dans mes réflexions antérieures, dans d’autres idées d’où celles-ci dépendent, dans les dispositions générales et permanentes de mon esprit. Il est vrai qu’on peut dire avec Leibniz que ces puissances, même avant de passer à l’acte, avant d’aboutir à l’expression actuelle de mes idées, ne sont pas inactives ; elles ne sont pas des puissances nues, abstraites, de simples possibilités. Les souvenirs, les réflexions antérieures restent dans l’esprit à l’état de vibrations inaperçues mais toujours présentes ; il n’en est pas moins vrai que par rapport à l’acte complet, achevé, je veux dire, l’expression actuelle de ma pensée, ces souvenirs, ces réflexions antérieures sont des préparations, des puissances. En vain dira-t-on que ces puissances mêmes sont en elles-mêmes des actes, elles ne sont pas en tout cas l’acte présent que j’accomplis. Donc cet acte présent n’existait qu’en puissance dans les activités obscures qui le précèdent et le préparent ; donc de quelque façon que