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HISTOIRE SOCIALISTE

retour aux communautés ; c’est un assez curieux exemple de propriété commune, et aussi des périls qui la menaçaient de tous côtés. La noblesse demande donc « que les carrières placées dans les biens communaux et patrimoniaux des habitants de ce pays, dont le fermier du domaine de Sa Majesté s’est emparé, soient restituées aux dites communautés qui en sont propriétaires, et que les habitants de ce pays placés au milieu des rochers du Jura et des Alpes, ne soient pas tenus d’acheter jusqu’aux pierres que la nature leur a prodiguées pour la construction de leurs habitations. » La protestation du Tiers État est identique dans le fond.

Il y a conflit, sur la question des biens communaux entre la noblesse et le Tiers-État de Lyon. La noblesse demande « que la division des communaux soit favorisée de manière à attacher plus de sujets à la patrie par des propriétés et à faire fleurir l’agriculture. » Et au contraire, le Tiers-État dit : « Nous demandons enfin que les biens communaux restent en nature aux communautés, qui seront autorisées à faire rentrer dans leurs mains ceux aliénés ou usurpés, quelque longue que puisse être la possession des détenteurs des dits biens. »

Le Tiers-État de Mâcon est très énergique : « Des commissaires s’occuperont de la recherche des communaux usurpés sur les communautés et dont la restitution est absolument nécessaire à l’agriculture. »

Au contraire, le Tiers-État des bailliages de Mantes et de Meulan « sollicite une loi qui serve de régime à l’administration des biens communaux et demande entre autres choses le partage de ces biens dans tous les lieux où ils sont indivis entre plusieurs paroisses ; la paix et l’union des citoyens qui en résultera nous portent à cette motion, comme les principes nous autorisent à demander le retrait de ceux qui sont entre les mains d’indivis possesseurs. » Lui aussi, le Tiers-État de Guéret, dans la Haute Marche, est pour le partage : « Le partage des communaux mérite d’être pris en considération. Ils comprennent une grande étendue de terrain qui n’offre qu’une vaine pâture. Il serait donc d’un intérêt général d’en féconder une partie par la culture et d’en semer une partie en bois. » Il est visible, aux signatures, que ce sont des bourgeois de la ville, des négociants ou même des bourgeois anoblis, qui ont rédigé les cahiers de Guéret, et je doute qu’il traduise sans réserve la pensée des paysans.

Mais voici une apparente anomalie : c’est la noblesse de Mirecourt qui, contrairement à la tactique presque universelle de la noblesse, demande le maintien des biens des communautés. Elle dit en effet dans son cahier « que si l’on venait à proposer le partage des communes, il sera demandé que cet objet soit renvoyé aux États provinciaux, et observé que plusieurs cantons de la province le regardent comme destructif de l’agriculture, seule ressource de la Lorraine, que l’insuffisance des prés ne peut être suppléée que par le droit de pâture sur les communes ; que le partage qui en serait fait ajouterait