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HISTOIRE SOCIALISTE

nale le temps de consommer leur ouvrage. On disait que la majorité des districts se refusaient à convoquer l’assemblée générale et extraordinaire, parce que l’aristocratie a jeté ses filets sur une grande partie de ceux mêmes auxquels le peuple n’a confié qu’une autorité provisoire. Enfin l’indignation était à son comble.

« De temps en temps, on entendait s’élever contre le veto un cri général auquel répondait le peuple qui était autour du café : irait-on à Versailles ? Prendrait-on les armes pour y aller ? Se présenterait-on à l’Assemblée comme suppliants ? En quel nombre marcherait-on ? Les motions enfin avaient le même objet que la veille, lorsqu’un citoyen (c’était Lostalot lui-même) cédant aux prières de quelques citoyens auxquels il avait proposé ses idées, éleva la voix ; il fut aussitôt reconnu pour être celui qui avait ramené le calme au Palais-Royal dans l’affaire des gardes-françaises enlevés des prisons de l’Abbaye Saint-Germain. Il n’avait pas reparu depuis au café ; sa présence n’en fut pas moins d’un bon augure. On fit le plus profond silence. Voici le sens et presque les paroles de son discours :

« Tous les partis que j’entends proposer, Messieurs, me paraissent déraisonnables ou violents. On veut aller à Versailles ? Pour quel objet ? Pour forcer ou pour gêner les délibérations de l’Assemblée nationale ? Mais ne sentez-vous pas que si les opinions n’étaient pas libres, ce qui serait arrêté ne fournirait pas une loi ? Abandonnez donc toute idée d’aller à Versailles. Cependant vous craignez que le veto absolu ne soit décrété, parce que le nombre des députés qui a embrassé ce parti est considérable ; mais d’abord quel droit avez-vous sur les députés des provinces ? Vous n’en avez aucun, et ceux que vous avez sur les députés de Paris se bornent à examiner leur conduite, à les révoquer s’ils ne méritent plus votre confiance, enfin à leur expliquer votre cahier s’ils en prennent mal le sens au sujet de la sanction royale.

« Il y a, dit-on, plus de quatre cents députés aristocratiques. Eh bien ! Messieurs, donnez aux provinces le grand exemple de les punir par une révocation, mais ce n’est pas au Palais-Royal que vous pouvez énoncer légalement votre opinion sur le veto, et examiner si vos députés sont infidèles à leurs mandats ; c’est dans les districts.

« J’entends dire qu’il est difficile d’obtenir une assemblée générale extraordinaire des districts ; qu’il est plus difficile encore d’obtenir que les districts s’occupent, comme par inspiration, des mêmes objets.

« Je crois, Messieurs, que si vous vous adressiez à l’assemblée des représentants, pour la prier d’indiquer une assemblée générale des districts, à l’effet de délibérer sur le veto, et sur vos sujets de mécontentement contre vos députés, que vous l’obtiendriez. Alors vos délibérations seraient très simples, la Commune veut-elle ou ne veut-elle pas accorder au roi le veto, pour la portion qu’elle a dans le pouvoir législatif ? Quelle plainte a-t-elle à former contre ses députés ? Que leur reproche-t-elle ? »