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HISTOIRE SOCIALISTE

qui ont cru devoir se retirer de la France, ne sont que des citoyens, à la vérité très distingués, mais qui ne font ni corps, ni ont aucun autre droit de ne pas se soumettre à tout ce que le Roi avec la Nation trouvera bon de statuer.

« Si vous aimez le bonheur de la France, le Roi, la Reine et tout ce qui en dépend, ne manquez pas le seul moyen de leur rendre à tous tranquillité et bonheur, en vous réunissant tous pour faire cesser cette espèce de parti d’opposition qu’on appelle aristocrate, je ne sais pas pourquoi, mais qui, faible par lui-même et hors de mesure de pouvoir faire le bien qu’il entrevoit et désire, n’a encore de consistance que pour faire le mal ; c’est de cet esprit de parti, on ne peut se le cacher, que sont nés tous les événements, tous les désastres qui ont assailli le royaume et les individus. Le renvoi des ministres, l’assemblée des troupes auprès de Paris, ont fait imaginer les projets atroces qu’on a eu la malice d’imputer à ce parti, et dont le peuple a été et est encore effrayé et outré ; cela a fait précipiter à l’Assemblée nationale le choix des moyens dont elle reconnaît elle-même la difficulté… Qu’aucune démarche ne vous coûte donc pour effacer de l’opinion publique toute idée de l’existence d’un parti contraire ou soi-disant aristocratique, en vous réunissant tous à l’occasion au bien de l’État, et en soumettant votre façon de l’envisager à celle du grand nombre qui fait autorité. »

La leçon était dure et même brutale. Elle démontre que les émigrés étaient non seulement en dehors de la conscience nationale, mais en dehors de la conscience monarchique.

Le petit clan des agités et des traîtres ne comprit pas. M. de Vaudreuil, auquel le comte d’Artois communiqua la réponse de Joseph II, la juge ainsi :

« Je ne suis pas du tout surpris de la réponse… Quant aux principes qu’elle renferme, ils ne m’étonnent pas. Ce sont, ceux que cette cour a adoptés pour elle-même, et elle finira par en être la victime. La destruction du clergé et l’abaissement de la noblesse sont, depuis longtemps, son système comme en France ; et je suis bien convaincu que cette erreur, la plus grande que puisse adopter une monarchie, nous a été soufflée, communiquée par cette cour, et que l’affaiblissement de la monarchie française a toujours été son système suivi. »

Contradiction puérile : si c’est pour affaiblir la monarchie française que la cour d’Autriche lui conseille d’abaisser noblesse et clergé, pourquoi la cour d’Autriche elle-même a-t-elle, dans son propre domaine, abaissé nobles et prêtres ? Et comment tous ces étourdis, tous ces fats, n’étaient-ils point frappés de la nécessité d’un mouvement qui ne se développait pas seulement dans la France philosophique, mais dans la vieille Autriche absolutiste ?

En accusant Joseph II d’être, lui aussi, un révolutionnaire, ils s’accablent