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HISTOIRE SOCIALISTE

électorales qui les avaient choisis. L’article 24 de la loi municipale dit : « Après les élections, les citoyens actifs de la communauté ne pourront ni rester assemblés, ni s’assembler en corps de commune, sans une convocation expresse, ordonnée par le conseil général de la commune ; le conseil ne pourra la refuser si elle est requise par le sixième des citoyens actifs, dans les communautés au-dessus de 4000 âmes et par 150 citoyens actifs dans toutes les autres communautés. »

Ainsi, le corps municipal était protégé contre une intervention irrégulière et indiscrète des électeurs : mais ceux-ci avaient en mains le moyen légal d’obliger la municipalité à les convoquer : et ils pouvaient ainsi, dans les occasions graves, exercer le gouvernement municipal direct. Le perpétuel courant des énergies populaires renouvelait donc l’esprit et la volonté des élus.

De quels éléments sociaux furent formés les corps administratifs des départements, des districts et des municipalités ? Il y aurait un haut intérêt historique à les déterminer avec précision, et il me sera bien permis de solliciter en ce sens les recherches.

Le jour où, pour plusieurs milliers de municipalités révolutionnaires, prises dans toutes les catégories des villes, grandes villes, villes moyennes, petites villes, villages, villes de commerce, d’industrie, etc., nous saurons exactement quelle était la qualité sociale des élus, quelle était leur profession, quel était leur degré d’aisance et de richesse, et quand nous pourrons suivre, d’élection en élection, d’événement en événement, les transformations de ce personnel électif en qui la France révolutionnaire exprimait sa pensée, nous pénétrerons, pour ainsi dire, au cœur même de l’histoire.

Je relève, par exemple, dans les papiers de Lindet, qu’en Normandie, quand l’insurrection girondine fut réprimée et que toutes les institutions furent renouvelées par la Montagne, c’est de « petits bourgeois » que furent formées les municipalités.

Il faudrait pouvoir suivre jusque dans le détail infiniment complexe et subtil les correspondances des événements révolutionnaires et des mouvements sociaux.

Il me paraît malaisé de caractériser par une formule exclusive les premières municipalités de la Révolution, élues en vertu de la loi du 14 décembre 1789, dans les premiers mois de 1790. On peut dire cependant d’une manière générale que la grande bourgeoisie révolutionnaire y dominait. À Bordeaux ce sont de riches négociants et armateurs qui, avec quelques représentants libéraux de la noblesse, vont gouverner la cité, et, en somme, garderont le pouvoir jusqu’en mai 1793.

Voici ce que dit Jullian dans sa grand Histoire de Bordeaux : « Voyez la première municipalité que Bordeaux se donna librement. Le maire, de Fumel, est l’ancien commandant en chef de la Basse-Guyenne… Le procureur syndic fut l’avocat Barennes, que remplaça l’avocat Gensonné. Des vingt