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HISTOIRE SOCIALISTE

consulat et le départ d’Imbert Colomès, la grande bourgeoisie révolutionnaire de Lyon ne pouvait, sans paraître à son tour suspecte de contre-révolution, entrer dans la voie de la résistance.

Allait-on, à propos des octrois, recommencer contre le peuple la lutte menée un an auparavant par l’oligarchie municipale ? Les officiers municipaux n’osèrent pas : ils acceptèrent d’ouvrir la discussion et convoquèrent les notables pour former le conseil général de la Commune et délibérer sur les pétitions. C’était appeler l’élément le plus démocratique et le plus révolutionnaire de la municipalité. Du coup la victoire appartenait au peuple. Et la municipalité lui opposa juste assez de résistance pour lui faire sentir sa force.

Le 8 juillet, à quatre heures de l’après-midi, le conseil général de la Commune ouvrit la discussion. La salle des séances était pleine, et une foule de plus de 20,000 hommes et femmes emplissait la cour de l’hôtel de ville et la place des Terreaux. Sous cette pression formidable, la délibération n’était guère qu’un simulacre. Et le peuple ne permit même pas à la municipalité de voiler sous des formes légales sa capitulation.

À peine le procureur de la Commune, Dupuis, commençait-il à rappeler la loi de la Constituante et à signaler les difficultés de remplacement de l’octroi, qu’il fut interrompu par les cris de : « A bas Dupuis ! à bas le traître ! l’aristocrate ! Nous paierons ce qu’il faut pour le remplacement ; l’argent est déposé ! Point d’octrois, point de barrières ! À bas les gapéens ! nous ne voulons plus payer : à bas les barrières ou nous les brûlons ! Pas tant de politique ! À bas ! à bas dès ce moment ! »

Faut-il croire, comme le dirent et l’écrivirent alors plusieurs révolutionnaires lyonnais, que la contre-révolution avait fomenté ce soulèvement pour compromettre les autorités nouvelles, susciter un conflit entre Lyon et l’Assemblée nationale et effrayer les propriétaires ? Que la contre-révolution ait vu avec plaisir cette agitation et les embarras dont la municipalité était accablée, cela est certain, mais la haine des octrois était ancienne à Lyon, et il était bien naturel que quand le peuple voyait parmi les notables les hommes comme Roland, qui en avaient dès longtemps demandé l’abolition, il l’exigeât ; tous ces impôts sur le blé, le vin, la viande, réduisaient singulièrement le salaire de l’immense peuple ouvrier, il n’est point étonnant qu’il se soulevât.

La municipalité décida de convoquer les sections. Celles-ci, à l’unanimité, votèrent la suppression des octrois, et la municipalité enregistra purement et simplement leur décision.

« Il a été reconnu, disent les considérants de l’arrêté, que, dans une ville de manufactures, la taxe qui porte sur les choses de première nécessité est le plus dangereux des impôts, que c’est attaquer le principe de l’existence de l’ouvrier que de lui ravir par une semblable taxe les moyens de subsister,