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HISTOIRE SOCIALISTE

parce qu’elle entretient et propage l’oisiveté et que l’oisiveté est la mère de tous les vices.

« À quoi se réduit donc le devoir des nations à l’égard des pauvres ? À donner du travail à ceux qui peuvent et veulent travailler, à forcer au travail tous ceux qui peuvent et ne veulent pas travailler, à établir et à maintenir une proportion exacte entre le salaire du travail et la subsistance, de manière cependant que le travail forcé soit toujours moins payé que le travail volontaire, à assurer des secours à tous ceux qui sont hors d’état de travailler.

« Quand vous distribueriez aux pauvres tout ce qui vous restera de libre sur vos biens nationaux, après avoir payé vos dettes, vous ne parviendriez pas à détruire l’indigence. On compte dans le royaume au moins huit millions d’individus qui n’ont rien. Supposez 400 millions de revenus, une distribution absolument égale de la totalité de ces biens ne donnerait que 50 livres de revenu à chaque individu, ce qui serait évidemment insuffisant pour la subsistance, car il n’aurait que 33 deniers pour tous ses besoins de chaque jour.

« S’il est évident que vous n’avez pas assez de terres à distribuer pour mettre tous vos pauvres à l’abri de l’indigence, gardez-vous bien de faire aucune distribution de terres, car vous vous mettriez dans la nécessité de faire des préférences injustes et des mécontents.

« Quand vous auriez assez de terres à votre disposition pour en donner une quantité suffisante à tous les pauvres, quand vous soumettriez toutes les terres du royaume à un partage absolument égal, les subdivisions dans les familles, l’indolence, les malheurs, les infirmités ou l’inaptitude d’un chef de famille vous auraient bientôt donné de nouvelles générations de pauvres, et alors, qu’auriez-vous à leur distribuer ?

« Le grand remède contre l’indigence et contre la mendicité est donc, non la distribution gratuite de propriétés territoriales, mais la certitude des secours pour les pauvres invalides, la certitude du travail pour les valides, et la proportion du salaire avec les besoins, la subsistance.

« Que chaque département, chaque district, chaque municipalité aient des établissements de bienfaisance pour les infirmes et des ateliers de travaux publics pour tous les sexes et pour tous les âges ; que le salaire soit fixé, dans les ateliers publics, de manière à suffire, dans toutes les saisons de l’année, à la subsistance d’un père de famille et de son ménage. Que ces ateliers toujours ouverts, forcent par leur concurrence tous les propriétaires de terres, tous les chefs d’ateliers à donner un salaire au moins égal. »

Mais Polverel ne se borne pas à démontrer que la distribution gratuite d’une partie des biens nationaux aux pauvres serait à la fois impossible et inefficace. Il démontre que l’État ne pourra favoriser les petits acquéreurs en leur ménageant de longs délais de payement.

« Je sais, dit-il, que plusieurs bons citoyens seront mécontents du plan