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Page:Jaurès - Histoire socialiste, I.djvu/493

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HISTOIRE SOCIALISTE


Bourely aîné à Nîmes acheta le 4 mai 1791, des droits féodaux sur une terre, quartier de Maleroulière, et il paye 27 livres les droits qui appartenaient au Chapitre de Nîmes.

Je pourrais donner bien d’autres exemples encore, quoique ces sortes d’opérations ne représentent qu’une part infime dans l’ensemble des ventes. Je ne les relève et elles n’ont d’intérêt que parce qu’elles démontrent que la France de 1791 ne croyait pas à l’abolition prochaine, sans rachat, des droits féodaux ; et on comprend que la Révolution ait pu mettre en vente toutes les classes de biens ecclésiastiques y compris les redevances féodales qui faisaient partie du domaine de l’Église.

La Constituante prit des précautions très fortes pour que ces biens ne soient pas vendus au-dessous de leur valeur. Pour les 400 millions de biens mis d’abord en vente et bientôt pour l’ensemble, c’étaient les municipalités qui s’étaient chargées de la vente : elles achetaient un certain nombre de domaines ecclésiastiques et elles les revendaient ensuite à des particuliers. La combinaison avait pour l’État de grands avantages. D’abord, elle le dispensait de gérer lui-même, directement, les domaines nationaux avant qu’ils aient été achetés par des particuliers.

Aussitôt que les municipalités avaient acheté, elles géraient les domaines et en percevaient les revenus, mais elles déposaient dans la Caisse de l’extraordinaire, des obligations représentant les trois quarts de la valeur où avait été estimée le domaine. Ces obligations portaient, intérêt, au profit de l’État, à cinq pour cent, et l’État recevait ainsi, par une sorte d’abonnement, les revenus du domaine ecclésiastique sans avoir l’embarras de le gérer.

De plus, cette intervention des municipalités avait certainement pour effet de susciter et de multiplier les acheteurs. Tel qui aurait peut-être hésité à acheter directement un bien d’Église n’hésitait pas quand ce bien était mis en vente par un autre propriétaire, la municipalité : l’expropriation première était déjà reléguée au second plan.

En outre, comme les officiers municipaux étaient précisément le bourgeois ou le paysan aisé, qui pouvaient acquérir les biens nationaux, ils avaient tout le loisir, pendant que la municipalité gérait le domaine d’abord acquis par elle, de faire leur choix, de prendre leurs dispositions ; ils devenaient acquéreurs par une sorte d’entraînement naturel et par une pente insensible.

Ayant acquis d’abord le domaine au nom de la municipalité, dont ils étaient les administrateurs, ils en devenaient ensuite aisément acquéreurs à titre individuel. Enfin cette intervention des municipalités diminuait le péril d’envahissement cosmopolite si violemment dénoncé par l’abbé Maury. Sans doute, n’importe quel acheteur, fût-il hollandais ou genevois, pouvait se présenter aux enchères quand la municipalité revendait, et devenir acquéreur, mais conduite par la municipalité, l’opération avait surtout un caractère familial et local ; il est probable que le financier accapareur venu de loin eût