laire interprétative du décret, tout en accordant l’électoral et l’éligibilité à « toute personne » libre, dans îles conditions déterminées, n’avait pas spécifié que les mulâtres étaient compris, avec cette netteté péremptoire qui prévient les interprétations de mauvaise foi.
Puis l’Assemblée avait négligé de surveiller les menées factieuses des députés colons qui avaient encouragé les colonies à la résistance. Quant à Barnave, il était dans une situation très difficile. Il n’avait pu renier la Déclaration des droits de l’homme au point de renier le droit des hommes libres de couleur. Et il avait concédé l’électorat et l’éligibilité aux mulâtres, mais ses amis de l’hôtel Massiac ne s’étaient pas employés honnêtement à faire accepter cette transaction. Ils avaient pris du décret la quasi-autonomie des colonies et ils l’avaient exagérée, ils avaient pris la garantie donnée à l’esclavage, et ils avaient rejeté et considéré comme lettre morte ce qui concernait le droit des mulâtres.
Et les colonies flambaient. Voici pour Barnave une minute décisive. S’il eût été vraiment un homme d’État, il aurait imposé à ses amis de l’hôtel Massiac la transaction nécessaire ou il se fût violemment élevé contre eux. Il aurait demandé le maintien rigoureux du décret de mars en toutes ses parties, il les aurait menacés, s’ils n’acceptaient pas le droit électoral des mulâtres, d’aller jusqu’à l’affranchissement des esclaves. Mais non, il gémit sans doute en secret de leur obstination et de leur étroitesse, mais il ne sut pas s’affranchir d’eux, et après avoir été, dans la question coloniale, l’avocat de l’intérêt bourgeois révolutionnaire, il ne fut plus que le serviteur d’une coterie effrénée et inintelligente.
Il est visible que, en octobre 1790, Barnave ne songea plus qu’à rétablir une sorte de statu quo ante colonial : briser l’omnipotence des Assemblées coloniales qui ne se contentent pas d’une autonomie relative et s’érigent en gouvernement, mais en revanche abandonner le droit électoral des hommes de couleur.
L’Assemblée aussi, effarée par les nouvelles de Saint-Domingue parut perdre pied. Elle rendit le 12 octobre un décret qui prononçait la dissolution de l’Assemblée factieuse de Saint-Domingue, mais elle négligea d’affirmer sa volonté de maintenir le droit politique des hommes de couleur. L’oligarchie odieusement égoïste des blancs triomphait. Victoire coupable ! Mais victoire fragile !
Les mulâtres ainsi abandonnés et même trahis par la Constituante, songèrent à recourir à la force ; les blancs ne leur avaient-ils pas d’ailleurs donné l’exemple dans les querelles entre aristocrates et révolutionnaires ? Bien mieux, ne les avaient-ils point armés ? Un homme de couleur intelligent et brave, Ogé, qui avait suivi à Paris tous les débats, toutes les intrigues où la cause de ses frères avait enfin succombé, s’embarqua, malgré les précautions de l’hôtel Massiac, malgré les ordres formels donnés aux armateurs, et à peine arrivé à