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Page:Jaurès - Histoire socialiste, I.djvu/658

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HISTOIRE SOCIALISTE

ils prétendirent en tout cas que le Pape n’avait pas qualité pour toucher au temporel.

Notamment les deux évêques que le Pape avait pris personnellement à partie, le cardinal Loménie, évêque de Sens, ancien contrôleur général des finances, et l’évêque d’Autun, Talleyrand-Périgord ne se soumirent pas.

L’évêque de Sens écrivit au Pape, une lettre assez fière : « Très-Saint-Père, j’ai prié le Nonce de faire parvenir à Votre Sainteté mes premières représentations sur le Bref qu’elle m’a adressé et sur son étonnante publicité ; mais je dois à mon honneur une dernière réponse et je m’en acquitte en remettant à Votre Sainteté la dignité qu’elle avait bien voulu me conférer ; les liens de la reconnaissance ne sont plus supportables pour l’honnête homme injustement outragé.

« Quand Votre Sainteté, a daigné m’admettre dans le Sacré Collège, je ne prévoyais pas que pour conserver cet honneur il fallut être infidèle aux lois de mon pays, et à ce que je crois devoir à l’autorité souveraine ».

« Placé entre ces deux extrémités de manquer à cette autorité ou de renoncer à la dignité de Cardinal, je ne balance pas un moment, et j’espère que Votre Sainteté jugera par cette conduite, mieux que par d’inutiles explications, que je suis loin de ce prétendu sacrilège d’un serment extérieur, que mon cœur n’a jamais désavoué ce que ma bouche prononçait, et que si j’ai pu ne pas approuver tous les articles de la Constitution civile du clergé, je n’en ai pas moins toujours été dans la ferme intention de remplir l’engagement que j’avais contracté d’y être soumis, ne voyant rien dans ce qu’elle m’ordonne de contraire à la foi ou qui répugne à ma conscience ».

« Je devrais peut-être, Très-Saint-Père, répondre aux autres reproches contenus dans le Bref de Votre Sainteté ; car, si je ne lui appartiens plus comme cardinal, je ne cesse pas comme évêque de tenir au chef de l’Église et au père commun des fidèles ; et, sous ce rapport je serai toujours prêt à lui rendre raison de ma conduite ; mais le délai de sa réponse, les expressions dans lesquelles elle est conçue, surtout l’étrange abus de confiance que son ministre s’est permis, m’imposent silence.

« Qu’il me soit seulement loisible de répéter à Votre Sainteté qu’on la trompe sur l’état de la religion dans le royaume et que les voies de condescendance auxquelles je tâchais de l’amener sont impérieusement commandées par les circonstances, que son long silence a peut-être amené les affaires au dernier point de crise, et que les moyens rigoureux auxquels elle paraît déterminée ne peuvent que produire un effet contraire à son intention ».

La fierté du gentilhomme offensé parle ici plus haut que l’esprit d’obéissance du prêtre. Quant à Talleyrand frappé de suspense pour avoir consacré des curés selon le rite de la Constitution civile, il ne répondit que par le plus dédaigneux silence.