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HISTOIRE SOCIALISTE

« Tout le monde ne sait-il pas que si ce vœu a été exprimé dans les cahiers c’est aux curés qu’on le doit et que les évêques s’y sont opposés de toutes leurs forces ? Tout le monde ne les a-t-il pas entendus dans les conversations particulières repousser avec dédain ce vœu de la Nation ? »

« Toute la France n’a-t-elle pas lu avec scandale l’adresse qu’ils ont présentée au Roi dans leur dernière Assemblée pour le maintien de leurs privilèges qu’ils osaient qualifier de propriété sacrée ? Mais ils en ont fait le sacrifice. Oui, comme la noblesse, en enrageant contre la nécessité qui les y forçait, et parce qu’ils espéraient, en jetant ce gâteau dans la gueule du Tiers-État, se ménager d’autres jouissances plus chères à leur vanité…

« La suppression de la dîme leur fit une plaie profonde. Vainement on leur représentait que de tous les impôts établis sur la terre c’était le plus injuste, parce qu’il était le plus inégal ; vainement on leur offrait un remplacement ; les foudres du ciel étaient invoquées pour écraser les impies qui osaient porter une main sacrilège sur l’Arche Sainte…

« Lorsque l’Assemblée nationale osa mettre les fonds ecclésiastiques à la disposition de la Nation, ce fut alors surtout qu’on vit le clergé invoquer, avec les accents de la rage, l’autorité du ciel à l’appui des possessions qu’on lui ravissait. Ce fut alors qu’on vit mêler très scandaleusement la cause de Dieu avec celle de Mammon et crier que la religion était perdue, parce qu’il n’y aurait plus d’évêchés de cent mille livres de rente…

« Mais, me direz-vous, si ce n’est pas une impiété, c’est au moins une injustice d’avoir ravi au clergé la propriété de ses biens. Et sur quels titres fondait-il donc cette étrange propriété ?

« Le possesseur d’un bénéfice en était-il le propriétaire ? Il ne pouvait pas seulement vendre un arbre sans la permission du gouvernement. À sa mort, y avait-il un seul individu dans le corps ecclésiastique qui eût droit à lui succéder et qui pût se plaindre qu’on lui fit une injustice en ne lui donnant pas le bénéfice ?

« Si le clergé n’avait pas la propriété de ses biens ils appartenaient donc à la Nation, qui s’en, servait pour payer le travail qu’il faisait, ou qu’il devait faire à son profit.

« Elle a donc le droit de les lui retirer sans injustice et convertir en argent le salaire qu’elle lui doit… Si le clergé a lancé des anathèmes, lorsqu’on a touché à ses possessions temporelles, on n’a pas dû être surpris de la prescription à laquelle il a voué la nouvelle Constitution qu’on a voulu lui donner.

« Chaque article de cette Constitution choque les prétentions de son amour-propre. Aussi eût-elle été apportée par un ange au Comité ecclésiastique, j’aurais parié d’avance qu’elle eût été regardée comme hérétique ».

« Le premier reproche que l’on fait à la nouvelle Constitution est l’incompétence de l’Assemblée nationale. Celle-ci, toute politique ne doit s’occu-