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Page:Jaurès - Histoire socialiste, I.djvu/685

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HISTOIRE SOCIALISTE

puissance ne voudrait entendre aucune proposition d’accommodement, et voudrait mettre obstacle à l’exécution de leurs projets.

« Cette marque de confiance la flatterait, et ne pourrait que l’intéresser davantage à leur réussite. Comme cette ouverture passerait par le baron de Taube, dont l’attachement pour son maître et pour LL. MM. m’est connu, je lui manderais de n’en faire que l’usage qu’il croirait nécessaire et le plus avantageux pour LL. MM. »

Ainsi, il est entendu de toute façon que le Roi partira. Toute la question est de savoir s’il attendra pour partir que des traités fermes avec les cours étrangères lui assurent des secours certains en hommes et en argent, ou si au contraire il brusquera, par son départ, les lenteurs diplomatiques, les hésitations et les réserves des puissances étrangères et mettra les souverains de l’Europe en face du fait accompli.

Or, la raison décisive pour laquelle Fersen incline visiblement au départ prochain, c’est que la France s’accoutume à la Révolution et que, si l’on tarde encore, tous les citoyens, tous les particuliers y trouveront des garanties de repos et de paix.

C’est uniquement l’intérêt du Roi, opposé à l’intérêt de la France, qui compte. On se décidera donc à partir, même sans avoir des traités précis avec l’étranger, mais assuré de ses bonnes dispositions.

Et au besoin, pour obtenir la neutralité de l’Angleterre, en faveur du Roi contre la France, ou le gagnera par des sacrifices raisonnables, c’est-à-dire par l’abandon d’une partie du territoire, de tout ce qui reste du domaine colonial.

C’est la trahison flagrante et cynique. Quant au manque d’argent qui parait faire hésiter Fersen, il surprend un peu quand on songe aux vingt-cinq millions de liste civile dont disposait Louis XVI : mais il n’avait pas une forte avance et il avait besoin d’une grosse somme pour solder d’emblée une armée de soldats étrangers.

C’est au second parti, au départ prochain, que s’arrêtèrent le Roi et la Reine, ou plutôt il est visible qu’en le préférant, Fersen se conformait à leur pensée, il s’agissait seulement de donner une forme un peu solennelle à la résolution définitive qu’on allait prendre, et de pouvoir produire au besoin un document authentique où les raisons de LL. MM. seraient exposées. La lettre adressée par le comte de Fersen au baron de Taube le 1er avril 1791 montre qu’à la suite du mémoire de Fersen c’est au départ le plus prochain possible que Louis XVI et Marie-Antoinette avaient conclu : En chiffre : « Le Roi et la Reine de France m’ont chargé de témoigner au roi (de Suède), combien ils sont sensibles aux témoignages d’intérêt que S. M. leur donne : ils aiment à y compter et cette certitude les a déterminés à communiquer à S. M. le plan qu’ils ont adopté.

« La position où se trouve le roi de France devenant tous les jours plus