Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/110

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police et de l’administration, mais cette faculté ne pourra s’étendre aux ecclésiastiques qui se seront refusés au serment civique exigé par l’article 1er du présent décret (ou qui l’aurait rétracté) et qui, par ce refus ou cette rétractation sont déclarés, suivant l’article 6, suspects de révolte contre la loi, et de mauvaises intentions contre la patrie. »

Suivaient des dispositions d’ordre réglementaire. La loi était rigoureuse. Le serment civique, le serment de fidélité à toute la Constitution (y compris la Constitution civile du clergé) était exigé de tous les prêtres ; s’ils s’y refusaient, non seulement ils perdaient tout traitement, toute pension, mais ils étaient déclarés suspects, placés sous la surveillance des autorités administratives, et au moindre trouble de leur commune, éloignés de leur domicile ; c’était pour ainsi dire l’exil à l’intérieur et, en cas de délit, la prison.

De plus, une responsabilité pécuniaire collective, avec recours contre les auteurs et complices des troubles, était imposée aux communes dont le mouvement factieux nécessiterait l’intervention de la force publique. La Révolution était enfin résolue à se défendre contre la funeste agitation cléricale. Il y avait un intérêt immense à ce que la loi fût sanctionnée et appliquée, car l’intrigue de l’Église exploitant contre la Révolution le fanatisme imbécile des populations accoutumées au joug depuis des siècles, était infiniment plus dangereuse pour la liberté naissante que tous les rassemblements d’émigrés hors des frontières. C’est sur ce point que devait porter tout l’effort, ou au moins le principal effort de la Révolution. Et pour le roi lui-même, s’il avait été capable d’une pensée libre et un peu étendue, il y avait un intérêt très grand à mettre fin à l’agitation des prêtres ; car l’autorité royale telle que la Constitution la définissait, ne pouvait s’affermir et fonctionner à l’aise que lorsque le pays révolutionnaire serait rassuré contre tout retour offensif du régime passé.

Or l’opposition de l’Église éveillait toutes les défiances, toutes les colères de la Révolution. La bigoterie du roi, son étroitesse de pensée, son impuissance même à pratiquer jusqu’au bout le système de simulation et d’hypocrisie constitutionnelle qu’il avait adopté, l’empêchèrent de s’associer à la Révolution dans sa lutte contre l’Église. Mais les modérés, par quelle aberration conseillèrent-ils au roi de repousser ces lois de défense de la Révolution ? Ils savaient bien pourtant que l’Église serait encouragée par le refus de la sanction et que le fanatisme catholique se développant par son impunité même, acculerait bientôt la Révolution à des mesures plus rigoureuses encore.

Et puis, en ce mois de novembre et décembre 1791 les modérés ne voulaient pas la guerre. Ils n’étaient pas entrés encore dans les plans aventureux et louches de trahison.

Ils pressentaient ce qu’un conflit armé avec l’Europe déchaînerait en France de passions brûlantes, et ils avaient peur de ce redoutable inconnu. Par quelle folie firent-ils donc le jeu de Brissot qui comptait précisément