Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/170

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mités irrémédiables pour subvenir, par un fanatisme universel, à la détresse des ressources et à l’insuffisance des moyens constitutionnels. »

« Telle est la vraie source de la crise actuelle. C’est par un dessein prémédité de réchauffer le zèle révolutionnaire de la nation que les rassemblements des émigrés, qui n’arrivaient pas en somme totale à quatre mille hommes et qu’il était facile de contenir par des mesures analogues à l’insignifiance du danger, ont servi de prétexte à un armement de cent cinquante mille hommes rassemblés en trois armées sur les frontières de l’empire germanique. Au lieu des ménagements dus à la conduite modérée de l’empereur qui venait d’y mettre le comble par le désarmement des émigrés aux Pays-Bas, au lieu de se réconcilier des princes de l’empire qu’on a dépouillés au fond contre la teneur des traités, on force l’empereur et l’empire, par des déclarations impérieuses et menaçantes et par des armements excessifs, à pourvoir de leur côté à la sûreté de leur frontière et à la tranquillité de leur État…

« Les vœux des pervers qui ont amené ces extrémités seraient comblés si l’empereur, ulcéré par une telle conduite et désespérant absolument du succès des moyens conciliants, se laissait entraîner à des projets de rupture, épousant hautement la cause des émigrés, et se réunissant avec ceux qui désirent une contre-révolution parfaite. Ils attendent sans doute avec impatience ce moment pour accabler le parti modéré, et pour précipiter la nation, par des mesures violentes, dans ce nouvel état de choses pire que l’état actuel et accompagné de maux sans nombre qu’il n’y aura plus moyen d’empêcher ni de changer.

« L’empereur préservera, s’il est possible, la France et l’Europe entière d’un tel dénouement. Il augmentera d’abord ses forces de l’Autriche antérieure d’environ six mille hommes, puisque ce moyen est indispensable, quand on ne considérerait que l’esprit d’insurrection qui germe déjà dans les contrées de l’Allemagne qui bordent le Rhin. Il concourra à des armements plus considérables encore et proportionnés à ceux de la France, puisque ces derniers compromettent immédiatement la sûreté et l’honneur de l’empire germanique et le repos des Pays-Bas. Mais, renfermant le but de ces mesures dans les motifs de défensive et de précaution qui en rendent l’emploi nécessaire, bien loin d’abandonner et contredire les principes sages et salutaires dont il partage la conviction avec le roi et la reine, il tournera tous ses soins à les combiner avec les mesures dont il s’agit, et à les faire adopter également par toutes les Cours qui prendront part au nouveau concert, en proposant pour bases essentielles de celui-ci, et pour condition sine qua non de son concours :

« Que la cause et les prétentions des émigrés ne seront point soutenues ; qu’on ne s’ingérera dans les affaires internes de la France par aucune mesure active, hors le cas que la sûreté du roi et de sa famille soit compromise