Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/184

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par des motions et des attaques immédiates, soit par un plan suivi de l’anéantir dans le fait, en entraînant l’Assemblée législative à s’attribuer les fonctions essentielles du pouvoir exécutif ou en forçant le roi à céder à leurs désirs par les explosions qu’ils excitent et par les soupçons et les reproches que leurs manœuvres font retomber sur le roi. »

« Comme ils ont été convaincus que la majeure partie de la nation répugne à l’adoption de leur système de république, ou pour mieux dire d’anarchie, et comme ils désespèrent de réussir à l’y entraîner, si le calme se rétablit à l’intérieur et que la paix se maintienne au dehors, ils dirigent tous leurs efforts à l’entretien des troubles et à susciter une guerre étrangère. »

«…Voilà pourquoi, au lieu d’apaiser les secrètes inquiétudes que les puissances étrangères ont conçues depuis longtemps sur leurs menées sourdes mais constatées, pour séduire d’autres peuples à l’insubordination et à la révolte, ils les trament aujourd’hui avec une publicité d’aveu et de mesures sans exemple dans l’histoire d’aucun gouvernement policé de la terre. Ils comptaient bien que les souverains devraient enfin cesser d’opposer l’indifférence et le mépris à leurs déclarations outrageantes et calomnieuses, lorsqu’ils verraient que l’Assemblée nationale non seulement les tolère dans son sein mais les accueille et en ordonne l’impression (Murmures prolongés)…Malgré des procédés aussi provocants, l’empereur donnera à la France la preuve la plus évidente de la constante sincérité de son attachement, en conservant de son côté le calme et la modération que son intérêt amical pour la situation de ce royaume lui inspire. » Et, en terminant, il se borne à dire qu’il défendrait les princes de l’Empire s’ils étaient attaqués.

Quel est le vrai sens de ce document-ci ? À des paroles agressives et blessantes se mêle le souci visible d’éviter la rupture. J’ai dit que l’empereur voulait avant tout gagner du temps ; mais ce n’était point pour mieux préparer la guerre, c’était pour laisser se produire des chances de paix. Évidemment, l’exemple de la France révolutionnaire, la sourde et inévitable propagande de la liberté l’inquiètent et l’irritent. Il ne déclare pas pourtant à la Révolution une guerre de principe, puisqu’il s’abrite derrière la Constituante, derrière la grande Assemblée qui proclama les Droits de l’Homme et la souveraineté des nations. Pourquoi, dès lors, voulant la paix, l’espérant encore, a-t-il prodigué à une partie notable et influente de l’Assemblée, les paroles outrageantes ? Il en est sans doute plusieurs raisons. D’abord, tout en désirant la paix, l’empereur est résigné à la guerre et commence à la croire inévitable : il désire surtout, si elle se produit, que la France ait la responsabilité de l’agression. Aussi n’évite-t-il pas très exactement d’irriter les esprits. Puis, il s’imaginait peut-être que la brutalité de ce langage ferait impression, et que les partis de gauche, aussi directement dénoncés, reculeraient. Étrange méconnaissance de la force d’élan de la Révolution. J’imagine encore qu’en signalant tout haut le plan de la Gironde, de ce qu’il appelle le parti républi-