Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/211

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« Il n’y a, Sire, que V. M. qui puisse leur en présenter un assez fort et assez prompt pour les contenir. Le roi s’assure de trouver dans les principes et dans l’âme de V. M. toute l’action des secours devenus aujourd’hui nécessaires aux dangers de sa personne et de celle de la reine, ainsi qu’au rétablissement de la monarchie.

« Vous sentirez, Sire, en apprenant leur projet d’attaques rebelles et leur plan de détrôner le roi, combien il importe que le développement des forces que le roi espère que V. M. veut, comme feu S. M. l’Empereur, employer de concert avec le roi de Prusse, marche absolument en avant de sa déclaration préparée aux puissances qui s’intéressent au sort de la maison royale et de la monarchie française. Le rassemblement sur le Rhin des forces réunies de V. M. et du roi de Prusse serait imposant pour la conduite des projets atroces des scélérats dans l’intérieur et pour leurs intentions hostiles contre nos voisins. »

Ainsi, à la fin de mars, un mois avant le jour où lui-même proposera à l’Assemblée de déclarer la guerre à François II, Louis XVI, par ses agents Goguelat et Breteuil, le presse de s’entendre avec la Prusse et d’amener ses troupes sur le Rhin.

Et la reine Marie-Antoinette écrit le 26 mars au comte Mercy :

« M. Dumouriez, ne doutant plus de l’accord des puissances pour la marche des troupes, a le projet de commencer ici le premier par une attaque de Savoye et une autre dans le pays de Liège. C’est l’armée Lafayette qui doit servir à cette dernière attaque. Voilà le résultat du Conseil d’hier ; il est bon de connaître ce projet pour se tenir sur ses gardes et prendre toutes les mesures convenables. Selon les apparences, cela se fera promptement. »

C’est la trahison flagrante, criminelle. Et on alléguerait en vain que la reine, fille de la Maison d’Autriche, restait avant tout liée aux siens ; car la tradition même de la royauté mettait au-dessus des affections de famille l’intérêt des nations. En vain on alléguerait encore que le roi et la reine menacés étaient excusables de chercher un secours au dehors ; car la longanimité de la Révolution, après le coup d’État du 23 juin, après le coup d’État manqué du 14 juillet, après la fuite de Varennes, montre assez que le roi et la reine n’auraient couru aucun péril s’ils avaient consenti à reconnaître la volonté nationale, à ne pas tricher, à ne pas mentir, à ne pas trahir. Enfin, on ne peut même invoquer les préjugés naturels de la royauté ; car l’exemple de l’Angleterre, où la monarchie se pliait depuis des siècles à des règles constitutionnelles, était bien connu du roi, et c’est l’égoïsme le plus obscur et le plus sot, c’est la dévotion la plus mesquine et la plus peureuse, c’est la vanité la plus puérile qui animaient le roi contre une révolution dont lui-même avait reconnu la nécessité et à qui il avait ouvert la carrière.