Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/257

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« On nous dit que les rassemblements dans les rues Saint-Martin, du Cimetière Saint-Nicolas, Chapon et des Gravilliers étaient considérables ; que des portes de magasins avaient été enfoncées, des vitres cassées, la garde nationale forcée, que le peuple tentait de la désarmer et qu’un commandant de bataillon avait été pris au collet et avait été grièvement insulté.

« Nous sentîmes alors qu’il n’y avait pas un moment à perdre, que des officiers municipaux devaient se rendre à l’instant dans ces différents endroits, parler au nom de la loi, toujours puissante sur l’esprit des bons citoyens et rappeler ceux qui étaient égarés. M. le Maire, M. le substitut de la commune, et un autre officier municipal partirent de l’hôtel de ville, accompagnés de quelques grenadiers et d’un certain nombre de cavaliers, et se portèrent dans toutes les rues dont nous venons de parler.

« Ils entrèrent chez MM. Cholet, Boscary, ils aperçurent des vitres qui avaient été cassées ; mais les magasins n’avaient point été pillés.

« Les vitres de la maison du sieur Blot avaient pareillement été cassées ; mais on n’y avait point non plus enlevé de marchandises.

« Le magasin, rue des Gravilliers, cul-de-sac de Rome, était fermé. On nous dit que dans un endroit il avait été livré, aux citoyens attroupés, de la cassonade à 10 sous la livre.

« Lors de notre arrivée dans ces différents endroits, le peuple s’était déjà écoulé, et nous n’y avons rencontré qu’un petit nombre de curieux, dont les dispositions étaient rassurantes.

« Dans notre marche, nous apprîmes avec plaisir qu’il n’avait également plus rien dans la rue des Lombards. De retour à l’Hôtel de Ville, un officier vint prévenir M. le Commandant général qu’un rassemblement assez considérable était à la porte d’un épicier du Faubourg Saint-Antoine et M. le Commandant y envoya à l’instant des forces.

« Il établit aussi un certain nombre d’hommes pour passer la nuit dans chacune des maisons qui avaient été exposées à être forcées.

« Le Corps municipal dans cette circonstance difficile n’a négligé, comme vous le voyez. Messieurs, aucun des moyens qui étaient en son pouvoir pour le maintien de l’ordre et de la tranquillité, et il n’en négligera aucun. Il a arrêté que ses séances tiendraient, sans désemparer, jusqu’à ce que le calme soit rétabli ; mais il sent en même temps combien il serait dangereux que l’on exagérât au dehors les mouvements qui viennent de l’agiter, et qui, il faut l’espérer, n’auront pas les suites fâcheuses que s’en promettent sans doute les ennemis de notre liberté et de notre bonheur.

« C’est à vous, messieurs, qu’il appartient de peser, dans votre sagesse, ce que les moments où nous sommes exigent : de préparer les grands moyens d’ordre et de tranquillité, d’assurer le salut de cette grande cité à laquelle tient si essentiellement le salut de l’empire. »