Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/400

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nécessaires du genre humain appellent les générations futures. Tels ont été nos principes, et c’est d’après cette philosophie, libre de toutes les chaînes, affranchie de toute autorité, de toute habitude ancienne, que nous avons choisi et classé les objets de l’instruction publique. » C’est toujours le même magnifique appel à toutes les forces de la pensée : c’est comme une vaste et calme lumière qui sollicite les germes innombrables, et leur promet la gloire croissante de la vie.

Comme le soleil créateur précipite la chute des dernières feuilles mortes par l’éclosion des feuilles nouvelles, la lumière créatrice de la Révolution détache de l’arbre les splendeurs mortes des frondaisons anciennes, et fait éclater les bourgeons. La splendide et mélancolique jonchée des choses d’autrefois saura émouvoir l’homme qui rêve : les forces jeunes de la vie triompheront seules dans le rayonnant éther.

Mais c’est par des traits plus précis, et d’une valeur plus immédiate, que se marque, de Talleyrand à Condorcet, le progrès révolutionnaire. D’abord le plan de Condorcet exclut nettement la religion de l’enseignement public. Talleyrand laissait la religion dans l’école, comme la Constitution civile la laissait dans l’État. Il la subordonnait, il est vrai, ou tout au moins il ne lui soumettait pas la morale. Et jusque dans l’enseignement des « écoles pour les ministres de la religion », il glissait une tendance rationaliste. « C’est un principe catholique que la croyance est un don de Dieu, mais ce serait étrangement abuser de ce principe que d’en conclure que la raison doit se regarder comme étrangère à l’étude de la religion, car elle est aussi un présent de la Divinité, et le premier guide qui nous a été accordé par elle pour nous conduire dans nos recherches. »

Mais enfin diminuée, resserrée, contrôlée, la religion continuait à faire partie du système d’instruction. Au nom du Comité de la Législative, Condorcet l’élimine, la réduit à n’être plus qu’une chose privée.

« Les principes de la morale enseignés dans les écoles et dans les instituts seront ceux qui, fondés sur nos sentiments naturels et sur la raison, appartiennent également à tous les hommes. La Constitution, en reconnaissant le droit qu’a chaque individu de choisir son culte, en établissant une entière égalité entre tous les habitants de la France, ne permet point d’admettre dans l’instruction publique un enseignement qui, en repoussant les enfants d’une partie des citoyens, détruirait l’égalité des avantages sociaux et donnerait à des dogmes particuliers un avantage contraire à la liberté des opinions. Il était donc rigoureusement nécessaire de séparer de la morale les principes de toute religion particulière, et de n’admettre dans l’instruction publique l’enseignement d’aucun culte religieux.

« Chacun d’eux doit être enseigné dans les temples par ses propres ministres. Les parents, quelle que soit leur croyance, quelle que soit leur opinion, sur la nécessité de telle ou telle religion, pourront alors, sans répu-