Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/477

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l’impunité les tentatives criminelles de l’ambition pontificale… Si donc il arrive que les espérances de la nation et les nôtres sont trompées, si l’esprit de division continue à nous agiter, si la torche du fanatisme menace encore de nous consumer, si les violences religieuses désolent toujours les départements, il est évident que la faute en devra être imputée à la négligence seule ou à l’incivisme des agents employés par le roi ; que les allégations de l’inanité de leurs efforts, de l’insuffisance de leurs précautions, de la multiplicité de leurs veilles, ne seront que de méprisables mensonges et qu’il sera juste d’appesantir le glaive de la justice sur eux, comme étant la cause unique de tous nos maux. Eh bien ! Messieurs, consacrez aujourd’hui cette vérité par une déclaration solennelle. Le veto apposé sur votre décret a répandu non cette morne stupeur sous laquelle l’esclave affaissé dévore ses pleurs en silence, mais ce sentiment de douleur généreux qui, chez un peuple libre, éveille les passions et accroît leur énergie. Hâtez-vous de prévenir une fermentation dont les effets sont hors de la prévoyance humaine ; apprenez à la France que désormais les ministres répondront sur leur tête de tous les désordres dont la religion sera le prétexte ; montrez-lui dans cette responsabilité un terme à ses inquiétudes, l’espérance de voir les séditieux punis, les hypocrites dévoilés et la tranquillité renaître. »

C’est la suppression du droit de veto. Lorsque les « agents du roi » seront responsables sur leur tête, lorsqu’ils seront frappés à mort pour n’avoir pas, en somme, exécuté les mesures que le roi se refuse à sanctionner, que restera-t-il du droit de sanction ? Mais que restera-t-il du roi lui-même ? Vergniaud parle en juillet 1792 de faire tomber la tête des ministres. Six mois plus tard, c’est la tête du roi qui tombera.

Mais voici que le grand orateur force le roi dans son dernier refuge : le respect hypocrite et simulé de la Constitution. C’est ce que le roi avait répondu au peuple le 20 juin : « J’appliquerai la Constitution. » Et il l’appliquait en effet de manière à la tuer. Vergniaud dénonce la manœuvre et il arrache au roi sa suprême ressource, le bouclier de mensonge et de ruse dont il se couvrait. Il sent si bien qu’il va porter un coup formidable, et que si l’on enfonce un peu plus le glaive la royauté est morte, que lui-même, par une précaution qui n’est pas purement oratoire, supplie l’Assemblée de ne pas forcer d’une ligne le sens de ses paroles :

« Il est des vérités simples mais fortes et d’une haute importance, dont la seule énonciation peut, je crois, produire des effets plus grands, plus salutaires que la responsabilité des ministres… Je parlerai sans autre passion que l’amour de la patrie et le sentiment des maux qui la désolent. Je prie qu’on m’écoute avec calme, qu’on ne se hâte pas de me deviner pour approuver ou condamner d’avance ce que je n’ai pas l’intention de dire. Fidèle à mon serment de maintenir la Constitution, de respecter les pouvoirs constitués, c’est la Constitution seule que je vais invoquer. De plus, j’aurai parlé