Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/489

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seule occasion de convoquer tous les frères que la liberté nous a donnés est donc venue ; et désormais elle ne se représentera plus. »

Cette guerre extraordinaire, il fallait la solenniser par une grave et retentissante déclaration, comme par un coup de canon on solennise un grand événement. La dernière de toutes les guerres !

Sublime illusion qui exaltait encore les courages en donnant à cette guerre, qui devait marquer la fin des guerres, l’innocence de la paix. C’est comme une aube fraîche et pure de liberté et de paix qui se réfléchissait au fer des baïonnettes et des piques.

C’était un grand coup à l’ennemi. C’était aussi un grand coup à la royauté. Car si la patrie est en danger, qui donc a créé ce danger ? Et si la patrie est en danger, le suprême péril n’est-il pas de garder comme chef de la Nation et des armées un homme qui ne voulait pas de la liberté et qui mettait l’intérêt de la royauté au-dessus de la patrie ? Hérault de Séchelles avait conclu :

« La patrie est en danger parce que la Constitution est en danger. »

Ainsi, c’est sur les Tuileries qu’était pointé le canon d’alarme. À la fin de la séance du 11, c’est dans un silence émouvant que l’Assemblée adopta la belle et simple formule :

« L’Assemblée nationale, après avoir entendu les ministres et observé les formalités indiquées par la loi des 4 et 5 de ce mois, a décrété l’acte du Corps législatif suivant :

« Acte du Corps Législatif.

« Des troupes nombreuses s’avancent vers nos frontières ; tous ceux qui ont horreur de la liberté s’arment contre notre Constitution,

« Citoyens, la Patrie est en danger.

« Que ceux qui vont obtenir l’honneur de marcher les premiers pour défendre ce qu’ils ont de plus cher, se souviennent toujours qu’ils sont Français et libres ; que leurs concitoyens maintiennent, dans leurs foyers, la sûreté des personnes et des propriétés ; que les magistrats du peuple veillent attentivement ; que tous, dans un courage calme, attribut de la véritable force, attendent le signal de la loi, et la patrie sera sauvée. »

Un autre coup terrible avait été porté peu de jours avant aux modérés, défenseurs de la monarchie. L’Assemblée avait décrété la publicité des séances des Corps administratifs. Ainsi le Directoire du Département de Paris, devenu le foyer de l’esprit feuillant et du modérantisme rétrograde, allait être enveloppé de la force populaire. Tout donc accélérait le mouvement révolutionnaire. Tout précipitait la suprême rencontre de la Révolution et de la royauté.

Qu’importe qu’en une effusion sentimentale qui n’était pas sans arrière-