Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/501

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pensée cette fois, toutes les forces de la France pour le salut de la Révolution ! Espérance insensée, mais qui flattait ces cœurs généreux et subtils. Dans cette attente où il entrait, malgré tout, peu d’espoir, ils évitaient les paroles irréparables. Ils amortissaient, ils ajournaient.

Pourtant les événements se hâtaient, se passionnaient, devenaient plus pressants tous les jours. Et la croissante exaltation patriotique et révolutionnaire ne permettrait pas longtemps les combinaisons dilatoires et incertaines. Le soleil toujours plus ardent montait, et l’ombre vaine des hommes d’État se faisait plus courte à leurs pieds.

Depuis que, le 11 juillet, l’Assemblée avait proclamé le danger de la patrie, les âmes étaient frémissantes et comme soulevées. À Paris, c’est le dimanche 22 et le lundi 23 juillet que la municipalité fit proclamer l’acte du Corps législatif et procéder aux enrôlements civiques. Elle imagina un cérémonial grandiose et simple, un de ces magnifiques plans de fête que créait le génie de l’art passionné par la liberté. Que serait ce cérémonial sans l’enthousiasme et la ferveur nationale ? Mais il ne faut point dédaigner les formes solennelles et amples que la pensée inspirée et réfléchie prêtait à la puissance spontanée du sentiment national. La Révolution a eu, dans sa débordante vie, un sens merveilleux du théâtre. À l’heure même où elle agissait, vivait, combattait, disciplinait les foules et embrasait les âmes, elle était pour elle-même comme pour le monde un grand spectacle, et elle ordonnait les vastes mouvements populaires en de nobles lignes de beauté.

Proclamation

« À sept heures du matin, le Conseil général s’assemblera à la maison commune.

« Les six légions de la garde nationale de Paris se réuniront par détachements, à six heures du matin, avec leurs drapeaux, sur la place de Grève.

« Le canon d’alarme du parc d’artillerie du Pont-Neuf tirera une salve de trois coups à six heures du matin, pour annoncer la proclamation, et continuera d’heure en heure la même décharge jusqu’à sept heures du soir. Pareilles salves seront faites par une pièce de canon à l’Arsenal.

« Un rappel battu dans tous les quartiers de la ville rassemblera en armes les citoyens dans leurs postes respectifs.

« À huit heures précises, les deux cortèges se mettront en marche dans l’ordre suivant :

« Détachement de cavalerie avec trompette, sapeurs, tambours, musique, détachement de la garde nationale, six pièces de canon, trompettes.

« Quatre huissiers de la municipalité à cheval, portant chacun une enseigne, à laquelle sera suspendue une chaîne de couronnes civiques, chacune ayant une de ces inscriptions : Liberté, Égalité, Constitution, Patrie ; au-