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heures de liberté. En 1784, il alla à Marseille dans l’intention de s’embarquer pour l’Égypte, « toujours guidé, dit-il, par la fureur d’étudier la nature et les monuments de l’antiquité. Je ne pus m’embarquer et je revins dans mon lieu natal, toujours occupé de plantes et de livres. J’y ai passé tout le temps qui a précédé la Révolution, ne m’en éloignant que pour différents voyages de Mauléon à Paris, de Paris sur les côtes de l’Océan, rêvant au bonheur, soupirant après la liberté ».

C’était une sorte d’autodidacte, un esprit fervent et candide, plus curieux qu’informé, mais vraiment généreux et tendre. En ces journées d’animation, de péril et d’espérance, son âme s’épanouissait merveilleusement, comme si sur les flots soulevés d’une émotion inconnue un soleil nouveau se levait à travers des nuées d’orage. Sur l’exemplaire de la déclaration du Théâtre Français. Chaumette avait écrit : Exemple à suivre ; et en effet, cette initiative hardie éleva dans toutes les sections le ton révolutionnaire.

La Révolution démocratique et populaire qui se préparait avait deux organes qui s’étaient spontanément formés. L’un était le Comité des fédérés ; l’autre était l’Assemblée des délégués des sections. La force et la passion des fédérés fut singulièrement accrue par l’arrivée, le 30 juillet, du bataillon des fédérés marseillais.

Rebecqui, Barbaroux les avaient précédés à Paris. On savait les luttes que déjà, dans le Midi, les fédérés de Marseille avaient soutenues pour la Révolution. On savait que l’ardente cité méridionale était toute échauffée d’esprit républicain, de haine contre la royauté, et le faubourg Saint-Antoine accueillit avec enthousiasme le bataillon entrant dans Paris.

Il chantait le chant de combat et de liberté que tout récemment, à Strasbourg, comme un défi à l’ennemi marchant vers le Rhin, avait jeté au monde Rouget de l’Isle. Ce chant n’était pas, à vrai dire, l’œuvre d’un homme, celui-ci n’avait guère fait que continuer et animer d’un beau rythme les paroles de colère et d’espérance qui partout en France, depuis quelques mois, jaillissaient des cœurs :

<poem> Allons enfants de la Patrie, Le jour de gloire est arrivé. Contre nous de la tyrannie L’étendard sanglant est levé. Entendez-vous dans les campagnes, Mugir ces féroces soldats ? Ils viennent jusque dans nos bras, Égorger nos fils et nos compagnes ! Aux armes, citoyens ! Formons nos bataillons ! Marchons, qu’un sang impur abreuve nos sillons.

Que veut cette horde d’esclaves, De traîtres, de rois conjurés ? Pour qui ces ignobles entraves, Ces fers dès longtemps préparés ? <poem>