Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/550

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qui ne sont restées dans nos murs que par un nouveau délit du pouvoir exécutif, ont tiré sur les citoyens. Nos malheureux frères ont laissé des veuves et des orphelins.

« Le peuple qui nous envoie vers vous nous a chargés de vous déclarer qu’il vous investissait de nouveau de sa confiance, mais il nous a chargés en même temps de vous déclarer qu’il ne pouvait reconnaître, pour juger des mesures extraordinaires auxquelles la nécessité et la résistance à l’oppression l’ont porté, que le peuple français, votre souverain et le nôtre, réuni dans ses assemblées primaires. »

L’Assemblée ne protesta pas contre cette Commune victorieuse qui prétendait traiter avec elle d’égal à égal ou qui même l’investissait à nouveau au nom du peuple, mais seulement pour qu’elle convoquât le peuple même.

C’est cette Commune révolutionnaire que l’Assemblée chargea de transmettre au peuple des décrets l’invitant au calme. En ce même jour, sur les rapports de Vergniaud, de Guadet, de Jean Debry elle rendit sans débat des décrets décisifs. Par le premier, elle invitait le peuple français à former une Convention nationale, décidant que dès le lendemain le mode et l’époque de sa convocation seraient fixés ; et elle déclarait en même temps « le chef du pouvoir exécutif suspendu provisoirement de ses fonctions, jusqu’à ce que la Convention nationale ait prononcé sur les mesures qu’elle croira devoir prendre pour assurer la souveraineté du peuple et le règne de la liberté et de l’égalité. »

Par le second, elle déclarait que les ministres en fonctions n’avaient pas sa confiance ; et elle décidait que les ministres seraient provisoirement nommés par l’Assemblée nationale et par une élection individuelle : ils ne pouvaient pas être pris dans son sein.

Enfin, par un troisième groupe de décrets elle décida que les décrets déjà rendus et qui n’auraient pas été sanctionnés, et les décrets à rendre qui ne pourraient l’être à cause de la suspension du roi, porteraient néanmoins le nom de loi et en auraient la force dans toute l’étendue du royaume.

C’était, en somme, la fin de la monarchie. Sans doute, il ne s’agissait même pas de déchéance, mais seulement de suspension. Un moment le peuple murmura ; des protestations immédiates s’élevèrent. Vergniaud harangua les pétitionnaires. Il leur dit que c’était par respect pour la souveraineté même du peuple que l’Assemblée ne prenait que des mesures provisoires. Et l’annonce d’une prochaine Convention nationale changea en enthousiasme toutes les inquiétudes et toutes les récriminations. Il semblait au peuple que cette Assemblée nouvelle née de sa victoire, allait en finir avec les ruses, les mensonges, les trahisons, les demi-mesures qui dans le danger de la patrie sont l’équivalent de la trahison. C’était sa propre force, robuste et droite, qu’il pressentait, qu’il espérait en elle. Le combat du matin avait laissé dans les cœurs une extraordinaire exaltation de colère. La fusillade imprévue des