Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/65

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raient à des excès qu’il faut éviter ; il faut porter l’espérance des uns au printemps et pourvoir aux besoins des autres. Un Congrès atteindrait le but désiré, il pourrait contenir les émigrés et effrayer les factieux.

« Les puissances conviendraient ensemble du langage à tenir à tous les partis. Une démarche combinée entre elles ne peut qu’en imposer sans nuire aux intérêts du roi ; outre leurs intérêts particuliers, il se trouvera peut-être des occasions où ces interventions seraient nécessaires : si, par exemple, on voulait établir la république sur les débris de la monarchie. Il n’est pas possible non plus qu’elles voient sans inquiétude, Monsieur et Monsieur le comte d’Artois ne revenant pas, le duc d’Orléans le plus près du trône ; que de sujets de réflexions !

« Le langage ferme et uniforme de toutes les puissances de l’Europe, appuyées d’une armée formidable, aurait les conséquences les plus heureuses ; il tempérerait l’ardeur des émigrés, dont le rôle ne serait plus que secondaire. Les factieux seraient déconcertés et le courage renaîtrait parmi les bons citoyens amis de l’ordre et de la monarchie. Ces idées sont pour l’avenir et pour le présent… Le roi ne peut ni ne doit par lui-même revenir sur ce qui a été fait ; il faut que la majorité de la nation le désire ou qu’il y soit forcé par les circonstances, et dans ce cas il faut qu’il acquière confiance et popularité en agissant dans le sens de la Constitution ; en la faisant exécuter littéralement, on en connaîtra plus tôt les vices, surtout en écartant les inquiétudes que donnent les émigrés. S’ils font une irruption sans des forces majeures, ils perdront la France et le roi. »

Mais même cette combinaison d’un Congrès européen, sur laquelle le maître fourbe comptait pour arracher à la France, sans péril pour lui-même, la Constitution libre à laquelle il avait juré fidélité, échappait décidément au roi et s’effondrait. Le 30 novembre Mercy renouvelle avec une sorte d’impatience et d’irritation, le refus de l’Empereur. Il écrit à Marie-Antoinette. « On a rendu compte des raisons qui s’opposent à un Congrès, — bien d’autres considérations politiques rendaient ce Congrès plus nuisible qu’utile à la France, et on en a des indices plus que vraisemblables. Il s’est formé un plan par lequel on voudrait conduire l’Empereur à se charger de tous les hasards, de tous les risques réels, tandis que l’on se tiendrait à couvert des uns et des autres. »

Entre le baron de Breteuil et le comte de Mercy avait eu lieu une explication très vive que raconte Fersen dans le mémoire du 26 novembre ;

« Le refus que fait l’Empereur du Congrès est une nouvelle preuve combien peu vous pouvez compter sur ses secours et combien il est intéressant que vous vous adressiez ailleurs. Le baron a eu à ce sujet une conversation très vive avec M. de Mercy, et il lui a exprimé toute sa sensibilité sur le peu d’intérêt que l’Empereur prenait à votre situation, et où il lui a articulé qu’il prévoyait que l’impératrice de Russie aurait le plaisir d’avoir fait ce que