Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/94

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pables. Ô vous qui tenez ce langage, que n’étiez-vous dans le Sénat de Rome lorsque Cicéron dénonça la conspiration de Catilina ! vous lui auriez demandé aussi la preuve légale !… Des preuves légales ! Attendez une invasion que votre courage repoussera sans doute, mais qui livrera au pillage et à la mort vos départements frontières et leurs infortunés habitants. Des preuves légales ! Vous comptez donc pour rien le sang qu’elles vous coûteraient. Ah ! prévenons plutôt les désordres qui pourraient nous les procurer.

« Prenons enfin des mesures rigoureuses ; ne souffrons plus que des factieux qualifient notre générosité de faiblesse ; imposons à l’Europe par la fierté de notre contenance ; dissipons le fantôme de contre-révolution autour duquel vont se rallier les insensés qui la désirent ; débarrassons la nation de ce bourdonnement d’insectes avides de son sang qui l’inquiètent et la fatiguent, et rendons le calme au peuple. » (Applaudissements.)

Et Vergniaud concluait à des mesures sévères contre tous les émigrés, mais particulièrement contre les frères du roi, en un couplet sentimental et ému sur le roi lui-même :

« On parle de la douleur profonde dont sera pénétré le roi. Brutus immola des enfants criminels à sa patrie. Le cœur de Louis XVI ne sera pas mis à une si rude épreuve ; mais il est digne du roi d’un peuple libre de se montrer assez grand pour acquérir la gloire de Brutus… Si les princes se montraient insensibles aux accents de la tendresse en même temps qu’ils résisteraient à ses ordres, ne serait-ce pas une preuve aux yeux de la France, et de l’Europe que, mauvais frères et mauvais citoyens, ils sont aussi jaloux d’usurper par une contre-révolution l’autorité dont la Constitution investit le roi que de renverser la Constitution elle-même ? » (Vifs applaudissements.)

« Dans cette grande occasion, leur conduite lui dévoilera le fond de leur cœur et s’il a le chagrin de n’y pas trouver les sentiments d’amour et d’obéissance qu’ils lui doivent, qu’ardent défenseur de la Constitution et de la liberté il s’adresse aux cœurs des Français : il y trouvera de quoi se dédommager de ses pertes. » (Vifs applaudissements.)

L’Assemblée, le 31 octobre, rendit le décret suivant :

« L’Assemblée nationale considérant que l’héritier présomptif de la Couronne est mineur et que Louis-Stanislas-Xavier, prince français, parent majeur, premier appelé à la régence, est absent du royaume, en exécution de l’article 2, de la section III de la Constitution française, déclare que Louis-Stanislas-Xavier, prince français, est requis de rentrer dans le royaume sous le délai de deux mois, à compter du jour où la proclamation du Corps législatif aura été publiée dans la Ville de Paris, lieu actuel de ses séances.

« Dans le cas où Louis-Stanislas-Xavier, prince français, ne serait pas rentré dans le royaume à l’expiration du délai ci-dessus fixé, il sera censé avoir abdiqué son droit à la régence conformément à l’article 2 de l’acte constitutionnel.