Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

élus, qu’ils ont chanté la palinodie. Les sections ont voulu, en vertu du droit de souveraineté du peuple, revoir les élections et aussitôt les orateurs furibonds, qui craignent l’issue de la réunion, sont montés à la tribune pour anathématiser l’audace du peuple de vouloir les soumettre au scrutin. »

Marat, prompt à s’alarmer, avait, le 15 septembre, poussé le cri d’alarme. « Tandis que le corps électoral est partagé en deux partis, qui se choquent sans cesse pour porter à la Convention nationale les citoyens qu’ils en croient les plus dignes, ou plutôt qui paraissent le mieux remplir leurs vues, les ennemis de la liberté s’agitent dans les sections pour faire exclure de la Convention nationale les plus ardents défenseurs de la liberté.

« Je n’ignore pas les menées de la faction Brissot contre l’Ami du peuple. Elles sont dignes de la bassesse de ses ennemis ; mais il dédaigne d’employer le temps à les déjouer. L’Ami du peuple n’a rien à dire si ses titres à la confiance publique peuvent encore être révoqués en doute. Le seul devoir qu’il ait à remplir envers ses concitoyens, les patriotes de toutes les sections qui pourraient être induits en erreur, c’est de leur déclarer que le plus ardent de ses vœux est qu’ils trouvent beaucoup d’autres représentants, qui aient mieux mérité de la patrie. »

Mais si dans les sections même de Paris il y avait une opposition à Marat assez forte pour que la Gironde ait pu espérer le mettre en échec, que signifie cette politique d’affolement ? N’est-il pas visible que c’est de parti pris, et en vue de la domination exclusive d’une faction, que la Gironde sème la peur ? Elle est doublement inexcusable. D’abord, elle savait bien, par l’expérience des troubles atroces du Comtat, que seule l’amnistie avait pu ramener l’ordre, et c’est elle-même, par la grande voix de Vergniaud, qui l’avait demandée.

Ce n’étaient pas des forcenés qui dès le début de la Révolution avaient pris dans le Comtat l’initiative du mouvement de liberté. C’étaient des marchands de soieries, Duprat et Mainvielle, jouissant « d’une fortune honnête », qui avaient soulevé la bourgeoisie et le peuple contre la papauté. Que fût-il advenu si Duprat s’était laissé décourager ou exciter par les horribles tueries réciproques qui ensanglantèrent la lutte ?

Mais c’est Barbaroux lui-même, le fougueux ennemi de Marat et de Robespierre, l’un de ces Girondins qui perpétuent et avivent le cruel souvenir de septembre, qui écrit ceci de Duprat :

« Tant de crimes avaient été commis de part et d’autre, à Avignon, et dans le Comtat, que pour les punir il fallait couvrir d’échafauds ce malheureux pays ; il se détermina donc à solliciter une amnistie, et il l’obtint par le zèle des députés qui envisagèrent cette question sous le vrai rapport politique. »

Et à quel moment Barbaroux écrit-il ces lignes ? Sous la Convention, plusieurs mois après les massacres de septembre. Mais pour punir ceux-ci n’aura-t-il pas fallu aussi couvrir Paris d’échafauds ? Et pourquoi Barbaroux et