Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/149

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apprendra que Paris est devenu le théâtre d’une insurrection contre la propriété. Déjà, les citoyens ne se rencontrent plus sans se mesurer des yeux, sans chercher à se pénétrer et à se deviner ; déjà, on fait disparaître l’argenterie. Habitants aisés de Paris, que faites-vous ? Prenez-y garde, ces mesures de précaution calomnient le pauvre et compromettent la probité du peuple.

« Toujours, il a respecté le tien et le mien, et sa morale a toujours été : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fit. » Il sait d’ailleurs que ces ressources pour l’avenir, sagement ménagées par vous dans les temps d’abondance, auront leur emploi au premier cri du besoin. Il compte bien que vous serez les premiers à en faire l’offrande à la patrie… au lieu que, dilapidées par une multitude mal conseillée, elles ne seraient d’aucun profit à la chose publique. Et vous, honorables indigents que les malintentionnés méconnaissent à dessein, qu’ils apprennent de vous que la saison n’est pas venue encore de frapper l’aristocratie des riches. Un jour viendra, et il n’est pas éloigné, ce sera le lendemain de nos guerres ; un jour, le niveau de la loi réglera les fortunes.

« Aujourd’hui elle ne peut et ne doit qu’imposer les riches en raison des besoins de la patrie. »

Il n’y a, à coup sûr, en tout cela aucune vue nette, aucune philosophie sociale, aucun plan de société nouvelle. Et comment la démocratie bourgeoise née à peine depuis quelques jours aurait-elle pu susciter d’emblée un autre idéal ? Mais c’était l’indice d’une fermentation et d’un trouble. D’instinct et d’ensemble, la Révolution réagissait contre cet entraînement confus. Hébert lui-même, à cette époque, rassurait les riches. Il leur répétait que sans les sans-culottes, sans les fédérés et les volontaires ils seraient tombés déjà sous les coups du duc de Brunswick, et que le peuple de la Révolution avait sauvé leurs palais, leurs richesses. À peine connue la nouvelle Déclaration des Droits de Momoro, les journalistes s’empressent à la réfuter. Et ce n’est pas seulement pour faire de l’agitation autour des imprudences de la Commune. Il y a comme un malaise de la conscience révolutionnaire, et elle cherche non sans angoisses à quel point elle doit se fixer. Il importe à l’histoire sociale de rapprocher ces documents où se marque la pensée encore mal débrouillée de la période conventionnelle. Le journal de Prudhomme est diffus et pâteux. Il s’adresse aux nouveaux élus :

« Faire jouir immédiatement le peuple des biens qui émanent de lui est un devoir impérieux et pressant ; il faut l’attacher à la Révolution comme à son ouvrage ; et puisqu’il est trop nombreux pour faire lui-même le partage de ses biens, vous devez les administrer comme il le ferait lui-même.

« Nous avons dit, nous répétons que la loi agraire est impraticable ; que c’est une folie qui n’a crû dans le cerveau de personne, et qui n’est mise en avant que pour vous jeter dans un système d’opposition. Nul homme sain d’esprit n’imaginera l’établissement d’une loi générale à laquelle la naissance